Candidat à sa réélection en mai, le président de la Banque africaine de développement (BAD), le Nigérian Akinwumi Adesina, fait l’objet d’accusations embarrassantes par des « lanceurs d’alerte.
« Comportement contraire à l’éthique, enrichissement personnel, obstacle à l’efficacité, favoritisme, (activités) affectant la confiance dans l’intégrité de la banque et engagement dans des activités politiques » : c’est un véritable réquisitoire que dressent contre le président de la BAD. Dans ce document d’une quinzaine de pages reçu par l’AFP, des « lanceurs d’alerte » anonymes se présentant comme des « employés préoccupés de la BAD », première institution de financement du développement en Afrique, basée à Abidjan dressent des accusations qui mettent à mal Adesina.
Dans leur lettre datée d’avril 2020 envoyée aux gouverneurs de la BAD, les lanceurs d’alerte accusent M. Adesina de favoritisme dans de nombreuses nominations de hauts responsables, en particulier de compatriotes nigérians. Ils accusent celui-ci d’avoir nommé ou promu des personnes soupçonnées ou reconnues coupables de fraudes ou de corruption, ou encore de leur avoir accordé de confortables indemnités de départ sans les sanctionner. Entre 2016 et 2018, lors de « la grande campagne de recrutement qui a accompagné la restructuration lancée par le président Adesina, environ 25% des nouveaux managers recrutés ont été des Nigérians », alors qu’ils représentaient 9% des embauches jusqu’alors, ce qui correspondait à la part du Nigeria dans l’actionnariat de la BAD, dénoncent les lanceurs d’alerte.
Parmi les personnes recrutées ou promues à des hauts postes figurent un beau-frère et un ami d’enfance de M. Adesina, ou d’anciens collaborateurs lorsqu’il était ministre au Nigeria, selon les lanceurs d’alerte.
Ceux-ci s’interrogent aussi sur un possible « enrichissement personnel » de M. Adesina. Récompensé en 2017 et 2019 par deux prix internationaux totalisant 750.000 dollars, M. Adesina a assisté aux remises de ces prix, aux Etats-Unis et en Corée du Sud, accompagné de délégations comptant des « dizaines de personnes », aux frais de la BAD. S’y ajoute le fait que M. Adesina a obtenu la propriété intellectuelle et touche les droits d’auteur de sa biographie, commandée et payée par la BAD à un auteur.
Les lanceurs d’alerte précisent s’être initialement adressés, en janvier, au comité d’éthique de la BAD, mais avoir réalisé ensuite que « des employés proches du président sabotaient toutes les tentatives du comité d’éthique de remplir ses fonctions ». Ils dénoncent en outre « des tentatives pour découvrir leurs identités ».
Dans un communiqué publié lundi à la suite à un article publié dans le Monde sur cette affaire, M. Adesina, 60 ans, a réfuté en bloc ces accusations, qu’il qualifie d' »allégations fallacieuses et sans fondement ». Il a également indiqué que des enquêtes internes étaient en cours.
Elu en 2015 pour un mandat de cinq ans, M. Adesina, ancien ministre de l’Agriculture du Nigeria, apparaissait jusqu’à présent sans rival pour obtenir un deuxième mandat, après avoir reçu le soutien de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.