Le Conseil de gouvernement a approuvé aujourd’hui l’adhésion du Maroc au Pacte des droits de l’enfant en Islam de 2005. En attendant que les parlementaires se penchent sur l’examen du projet de loi n° 58.19 relatif au « Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam », le tissu associatif s’interroge sur l’utilité de l’adopter d’une manière définitive.
Le projet de loi relatif au Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam de 2005 a été adopté par le Conseil de gouvernement ce jeudi, a indiqué Mustapha El Khalfi, porte-parole du gouvernement lors d’un point de presse. Le Centre des études en droits humains et démocratie (CEDHD) a invité le gouvernement à ne pas l’approuver puisqu’il s’agit d’un texte qui ne se base pas sur un référentiel international reconnu par l’ONU.
Dans un communiqué posté hier sur sa page Facebook, le CEDHD évoque que le Maroc a adhéré en 1993 à la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies. Pour cet organisme, cette convention contient les meilleures normes internationales pour ce qui est des droits de l’enfant. Le CEDHD a aussi mentionné que le Maroc a ratifié plusieurs protocoles ainsi que des mécanismes de suivi de la mise en oeuvre de cet arsenal juridique. Ces différents documents ont été aussi largement exploités pour élaborer la législature marocaine et les politiques publiques concernant la protection des droits de l’enfant.
Hamid Baha, activiste, administrateur et initiateur du groupe « CEDAW et droits des femmes au Maroc », (Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes) s’est interrogé sur l’utilité d’adopter ce document : « Je ne trouve pas l’utilité d’adhérer à ce pacte. Si le gouvernement a l’intention d’adopter les mécanismes régionaux, je trouve qu’il serait plus judicieux de s’intéresser aux mécanismes africains qui sont connus par la rigueur de leurs textes, surtout que le Maroc a réintégré en 2017 l’Union africaine. »
D’après Baha, si le Maroc adhère à ce Pacte, les droits des enfants connaîtraient une régression patente vu que ce texte n’est pas basé sur un cadre juridique qui puiserait ses sources dans les conventions et les protocoles relatifs aux droits des enfants et de l’Homme des Nations unies.
De son côté, Jamila Sayouri, avocate, membre du CNDH et présidente de Adala, l’association «Justice», ce Pacte fera pièce à la progression des droits de l’enfant au Maroc puisqu’il n’est pas sur la même longueur d’onde que l’arsenal juridique international car il se base sur des préceptes de la Charia. Elle a, en outre, précisé que le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) ainsi que les organismes nationaux des droits de l’enfant n’ont pas été approchés pour que ce Pacte soit soumis au Conseil de gouvernement.
Maître Sayouri a également mentionné que ce Pacte soulève plusieurs sujets à controverse qui ont été débattus à travers un dialogue national comme l’avortement qui, à titre d’exemple, a fait l’objet d’un dialogue national auquel ont participé le CNDH ainsi que des associations qui militent pour les droits de l’Homme.
La présidente de Adala a par ailleurs mentionné que l’examen de ce Pacte par le Conseil de gouvernement reflète une sorte de « chaos constitutionnel » vu que le CNDH n’a pas été amené à émettre son avis quant à la validité et la conformité de ce Pacte au référentiel juridique national. Elle s’est aussi interrogée sur la légitimité des autres conventions ratifiées par le Maroc vu qu’elles ne sont pas basées sur les préceptes de la religion.
Quant à Naima Senhaji, sociologue et activiste des droits humains, le Maroc est déjà un pays signataire de plusieurs conventions onusiennes relatives aux droits de l’enfant. Dans ce sens, adhérer au Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam de 2005 n’aurait aucun effet sur la situation actuelle des droits des enfants puisqu’il ne s’agirait que d’un Pacte de plus auquel le Maroc adhérerait. « Une signature de plus, ne rimerait à rien à mon sens. L’essentiel des conventions relatives aux droits de l’enfant a été déjà signé et ratifié auparavant par le Maroc », précise-t-elle en ajoutant que le contenu des conventions de l’ONU précédemment ratifiées par le Maroc est plus pointu et poussé que le contenu du Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam.
Alors que plusieurs ONG précisent que ce Pacte constituerait un blocage à la mise en conformité des lois internes avec les termes de la Convention de l’ONU et que ce texte serait insuffisant pour la protection des droits des enfants telle que prévues par le droit positif marocain, Mustapha El Khalfi, porte-parole du gouvernement, a indiqué lors d’un point de presse aujourd’hui que le Pacte des droits de l’enfant dans l’Islam vise la concrétisation des finalités liées à la protection de la famille et au renforcement de son statut.
Khalfi a également précisé que ce pacte a pour objectif d’assurer une enfance saine et sûre, de généraliser l’accès gratuit à l’enseignement obligatoire et secondaire en faveur de tous les enfants, sans distinction de sexe, de couleur, de nationalité, de religion ou autres et de fournir les soins nécessaires aux enfants à besoins spécifiques. Le tissu associatif soutient qu’au contraire, ce Pacte ne protège pas suffisamment l’enfance et constituerait une régression par rapport aux conventions internationales ratifiées par le Maroc.