Dans la question du Sahara, Khadija Mohsen-Finan pratique, non sans une certaine habileté, le jeu du pendule. Dans ses écrits, elle oscille constamment entre la distance que la rigueur intellectuelle et juridique impose au chercheur impartial et objectif, et le parti pris flagrant en faveur de l’Algérie.
Cette «politiste», «spécialiste du Maghreb» est tunisienne, il faut le noter, et, comme un petit groupe de ses compatriotes, il est vrai peu nombreux, elle soutient plutôt les thèses des adversaires du Maroc. C’est son droit, bien entendu, mais ce qu’on peut lui reprocher c’est sa tendance à distiller des contrevérités dans des textes supposément neutres, en se prévalant de son statut de professeur-chercheur. En réalité, Mohsen-Finan, se parant de sa casquette d’«expert», fait adroitement passer ses convictions personnelles pour des vérités juridiques savamment enveloppées dans un langage académique. C’est ce qu’elle a fait dans une chronique qu’elle a récemment publiée dans un journal parisien.
Elle y fait des références répétées à ce qu’elle appelle l’«annexion» du Sahara, alors qu’elle sait que c’est un abus de langage et que ce terme n’a jamais été utilisé par le Conseil de sécurité des Nations unies. De la même manière, lorsqu’elle évoque, avec insistance, mais sans étayer ses allégations, une soi-disant «exploitation» des richesses du territoire, ajoutant «sans que la population de ce territoire en bénéficie», elle ne fait que reprendre des accusations qui sont démenties par les faits et dont le Maroc a depuis longtemps fait justice.
Contrevérités
Dans son article, on peut relever plusieurs contrevérités.
Les parties au différend : Le différend du Sahara occidental n’oppose pas «le Maroc au Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui soutenu par l’Algérie», il oppose le Maroc à l’Algérie, qui se sert d’un groupe de miliciens, installés en territoire algérien et que les autorités algériennes manipulent à leur guise.
Referendum : Contrairement à ce qu’affirme Mohsen Finan, la France, en considérant l’autonomie comme unique base de discussion, n’a pas «écarté» le référendum d’autodétermination. Ce dernier n’est pas «retenu par les Nations unies». La dernière résolution du Conseil de sécurité à avoir mentionné le « Plan de règlement » qui prévoyait un referendum remonte à 2004 (Résolution 1541).
Mohsen-Finan ne l’ignore pas, ce n’est pas un quelconque «brassage» qui aurait «rendu impossible toute consultation de la population», mais les difficultés liées à l’identification des votants.
Autonomie : Mohsen-Finan juge de manière assez hâtive et sans explications, que l’autonomie «ne peut être mise en place.» Elle précise plus loin que le Maroc, «qui se sent aujourd’hui vainqueur» et qui, après avoir exercé depuis 1975 son autorité sur la région, ne se sentirait pas dans l’obligation de «confier la gestion politique et financière de cette région à des élus sahraouis». Pourtant, c’est déjà le cas et Mohsen-Finan ne peut pas l’ignorer.
Conformité au droit international : Pour Mohsen-Finan, la conformité au droit international de la décision française «pose question» et elle s’interroge «sérieusement sur la manière dont on écrit les relations internationales». L’auteur ne dit pas quelle règle de droit international cette décision a-t-elle violée et elle ne livre pas sa manière d’écrire les relations internationales. L’initiative marocaine n’est pas «destinée à contourner» le droit international, au contraire, elle a été présentée en réponse à un appel du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui affirme sa volonté d’aider les parties à parvenir à «une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, basée sur le compromis». La proposition marocaine ne contredit pas le processus politique que les Nations Unies veulent promouvoir et ne se pose pas en démarche parallèle ou opposée. Elle s’insère parfaitement dans l’effort visant à trouver un compromis et aucun des pays qui ont soutenu le plan d’autonomie n’a eu pour objectif d’écarter l’ONU ou de la dessaisir.
Contrats juteux : La volonté exprimée par la France «d’aller de l’avant» et d’«avancer» ne s’explique, selon Mohsen-Finan, que par la perspective de «contrats juteux qui pourraient intéresser les chefs d’entreprise français.» C’est réducteur et simpliste. Tous les pays, ils sont plus d’une centaine, qui ont soutenu le plan d’autonomie, n’auraient-ils cédé qu’aux sirènes des affaires et des contrats ?
Identité : Le brassage de populations est naturel dans toutes les régions du Maroc et il l’est aussi dans les provinces du sud. Ce brassage ne vise pas à «anéantir» ( !) l’identité sahraouie, il suffit de se promener dans n’importe quelle ville de la région pour le constater. La culture hassanie se porte bien et tout est fait pour la protéger. Il est des «experts» qui n’ont jamais mis les pieds au Sahara et se contentent de colporter des formules à l’emporte-pièce glanées ça et là. Au terme de cinq décennies, dit Mohsen-Finan, il est difficile de «distinguer un Sahraoui d’un habitant venu du Maroc». Cette distinction perfide n’existe que dans l’esprit malveillant des adversaires du Maroc, les habitants du Sahara occidental sont tous marocains, chacun avec ses costumes et son accent, comme c’est le cas dans la plupart des pays, y compris en Tunisie.
L’Algérie, encore
Au terme de son analyse, la spécialiste du Maghreb ne pouvait pas ne pas sortir l’argument qui, à ses yeux, est le plus important. «Les intérêts économiques et stratégiques considérés sur le court terme» énonce doctement Mohsen-Finan, auraient conduit Paris «à faire le choix du Maroc, au détriment de l’Algérie».
Mais l’Algérie dit à qui veut l’entendre qu’elle n’est pas partie au conflit ! Pourquoi présenter systématiquement toute décision de soutien au plan d’autonomie comme une mesure dirigée contre l’Algérie ?
La «légèreté» dont fait état Mohsen-Finan consisterait à tenir compte non pas de la réalité et d’une évolution inexorable du dossier, mais des états d’âme et des sautes d’humeur d’un pays qui dit ne pas être concerné. La «légèreté», soit dit en passant, c’est aussi d’écrire que «la France n’a jamais eu de cesse (sic!) d’être impliquée directement ou indirectement» dans le dossier du Sahara.