À l’époque de la Guerre froide, l’Allemagne avait son rideau de fer qui séparait les familles entre l’Est et l’Ouest. Les architectes de cette idée ont visiblement fait des émules en Algérie. Dans une reproduction caricaturale, la dictature militaire a installé un enchevêtrement de barbelés à la zone frontalière Bin-Lajraf, non loin de Saïdia, à l’extrême nord-est du Maroc.
Excédées par les tentatives de passer de l’autre côté de la frontière, au Maroc, les autorités algériennes ont érigé cette clôture afin de stopper ces scènes préjudiciables à la propagande officielle, laquelle cherche à détourner les regards de la situation de dénuement total qui frappe les habitants des régions limitrophes.
Incapables d’avoir des sentiments pour leurs semblables, les caporaux algériens s’emploient à couper tout contact entre les populations des deux côtés de la frontière. Quand on connaît la profondeur des liens familiaux et de sang qui existent dans cette région, on se rend compte de la cruauté de la dictature militaire.
En dépit des efforts non louables du régime algérien visant à accentuer le déchirement familial, les ressortissants des deux pays continuent d’affluer vers le secteur, d’après des témoignages et vidéos circulant sur les réseaux sociaux.
Malgré les barres de fer, ils peuvent se voir, échanger et prendre des nouvelles des uns et des autres, d’autant que la plupart d’entre eux n’ont ni la force -à cause de l’âge-, ni les moyens -billets trop chers- pour embarquer dans un avion.
Quand la frontière terrestre a été fermée en 1994, les familles séparées n’avaient plus que cet endroit pour communiquer. Les caméras ont immortalisé des scènes poignantes. Une mère en sanglots qui apprend l’accouchement de sa fille. Un oncle félicitant un neveu qui vient de convoler en justes noces. Un homme ému en apprenant le décès d’un vieil ami. Des histoires de nature à attendrir le cœur des hommes les plus durs, excepté celui des caporaux.