Une perquisition a eu lieu, le 24 mai, au siège français du cabinet de conseil McKinsey. Elle entre dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte le 31 mars pour blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée. Dans les faits; les entités françaises du cabinet McKinsey étaient accusées dans un rapport sénatorial de mettre sur pied un montage fiscal afin de ne verser aucun impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020.
Au Maroc, l’intervention croissante des experts dans le champ public et leur active participation à la reconfiguration des rapports politiques et sociaux interpellent. Derrière les stratégies des grandes institutions étatiques marocaines on trouve souvent la patte des cabinets de conseil d’envergure mondiale, comme McKinsey, Booz Allen Hamilton, Boston Consulting Group.
C’est McKinsey, par exemple, qui a dessiné les contours économiques et sociales du Maroc post-Covid-19, dont certaines recommandations ont été discutés au sein du gouvernement. C’est Boston Consulting Group (BCG), par exemple, qui a touché la coquette somme de neuf millions de dirhams pour penser l’avenir de Casablanca. Plusieurs questionnements s’imposent. Les élus politiques sont-ils incapables de mettre à pied les stratégies qu’ils souhaitent appliquer ? Il y a aussi l’impossibilité d’évaluer réellement le résultat des missions de conseil en raison des multiples enjeux dont l’intervention réclamée est investie. Aussi, les critères d’objectivation, comme la taille ou le chiffre d’affaires réalisés, restent obscurs en raison notamment de la complexité des montages financiers de ces sociétés.
C’est «l’État stratège» qui creuse sa tombe, en permettant que la gouvernance publique se technocratise et s’internationalise. Les relations ambiguës entre la haute fonction publique et les grands firmes internationales du conseil mettent en péril l’efficacité des ressources intérieures de l’État et ses finances en accordant de juteux contrats à des cabinets qui, selon toute vraisemblance, échappent aux impôts.
Le danger du recours aux cabinets de conseil, c’est que ces firmes finissent par imposer des principes de vision dans des domaines majeurs, voire sensibles. La présence de plus en plus fréquente de consultants sommés de présenter des visions circonstanciées à des élus politiques est l’objet de récriminations de nombreux observateurs qui considèrent qu’il s’agit de dépenses aussi élevées qu’inutiles. De fait, la montée en puissance des consultants dans le domaine politique et économique, dont les interventions étaient assez rares il y a encore une trentaine d’années, est liée à la philosophie de gouvernance où les grands corps de l’État recourent aux cabinets de conseil au risque d’entraver la liberté de l’action publique.