Le ‘’Shouffing’’ un mot qui vient de naître au Maroc dans le monde des jeunes et des moins jeunes suite aux conséquences de la crise économique causée pas le Covid 19.
‘’Shouffing’’, mot marocain anglophonisé composé d’un verbe typiquement marocain ‘’Shouf’’ (regarder) mis en action continue indiquée par le ‘’ing’’ de la grammaire anglaise. Le ‘’Shouffing’’ vient donc remplacer le ‘’Shopping’’ dans ce cercle affamé de mode et de tendance dans une époque où s’acheter des fringues devient un luxe duquel on peut se passer surtout avec les périodes suivies de confinements.
Ce nouveau mot donne donc priorité à l’œil sur la main, il ne s’agit plus d’une main qui touche le vêtement, qui le sens, qui le teste, qui le paie et qui l’achète, main plutôt d’un œil qui ne dépasse pas les entrées des magasins dans les malls, mais qui s’arrête devant les vitrines à contempler, à admirer, à vouloir , à regarder , a ‘’Shouffer’’ le produit sans que l’on n’ose consulter une poche ni un porte monnaie vide.
‘’Oh le Shouffing ça fait un bien fou’’ me confie Imane, la fille des voisins , ‘’li ma chra yetnezzah’’, reprend-elle dans un ton moqueur signifiant que ‘’ celui qui ne peut s’offrir un bien se contente du regard et s’en régale à cœur joie’’, en référence au proverbe marocain que ne cesse de lui répéter sa maman, lui inculquant ainsi un principe qui enseigne cette satisfaction fictive mais très utile en temps de crises, surtout en ces temps absurdes du Corona.
Oui, la crise sanitaire a changé beaucoup de choses en nous. Elle a bouleversé nos mondes, renversé nos visions, modifié nos comportements, transformé nos attitudes, et métamorphosé nos rapports humains, nos convictions, nos idées et notre langage. ‘’Les Hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise’’ disait le célèbre homme d’Etat, Jean Monnet.
Le pouvoir d’achat au Maroc, comme partout au monde est en nette régression à cause de la situation financière difficile de nombre de citoyens et des foyers foudroyés par les conséquences néfastes de la crise sanitaire. Et comme le mot est résistance, comme l’humour noir est survie, l’imaginaire collectif se dévoile dans une créativité linguistique très reconnue chez le Marocain démuni, abattu, coincé par un pouvoir autre que lui impose un virus, mais qui préserve tant bien que mal son âme sarcastique, ironique, diseuse de blagues et qui creuse dans les langues, les soude, les marie pour en sortir des mots autres…Une âme qui sait remplacer le désir de consommer par une auto suffisance infinie que lui offre son regard. Ça donne à réfléchir sur les nouvelles dimensions que prennent les choses, les gens, et surtout un certain pouvoir nommé ‘’argent’’ dans notre nouvelle vie.
Le prêt à porter fait donc face à une baisse de demande monumentale dans les quatre coins du monde. ‘’Une mutation radicale’’ , selon l’IFM (L’institut Français de la Mode), qui a complètement anéanti l’entreprise du vêtement et qui la mène à une vraie ‘’déconsommation’’, en faisant rater aux enseignes des saisons entières depuis le mois de mars 2020.Ces enseignes qui sont en surstock et qui attendent désespérément de s’en sortir car les confinements répétés les bloqueraient à n’importe quel moment en les replongeant à chaque fois dans une crise que seul le vaccin miracle tant attendu pourrait un jour arrêter ; chose qu’il ne faudra pas espérer à court terme.
En effet ‘’le retard accumulé par les équipes des grandes enseignes de prêt à porter – le télé travail étant impossible dans le monde de la mode-, n a pas été rattrapé et il ne le sera pas’’, confirme Karim Tazi, ex-président de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH) et président de la commission environnementale des affaires à la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
Cette période des soldes qui coïncide avec les premières tranches de vaccination, serait-elle porteuse d’un peu d’espoir pour les enseignes du Maroc et d’ailleurs ? La terrible casse serait-elle un peu soudée ? Le ‘’Shouffing’’ en deviendrait-il un simple souvenir qu’un ‘’ Shopping’’ réanimé nous ferait oublier ? Les milliers de familles qui vivent de l’industrie du prêt à porter sortiraient-elles un jour de cet état de précarité dans lequel le virus les plonge? .. Les réponses à ces questions, et d’autres, nous viendraient peut être avec ces premiers mois de la nouvelle année, avec les vaccins et avec de nouvelles stratégies de gestion de crises que les Etats du monde entier se trouvent dans l’urgence de créer et de bien étudier.