Le Covid-19 est une pandémie qui est considérée comme la plus grande crise mondiale depuis la seconde guerre mondiale. Cette crise de santé publique entraîne une augmentation des niveaux de stress, d’anxiété et de dépression. Certaines causes sont évidentes et d’autres sont souvent inconscientes. Initialement, la limitation de l’accès aux activités quotidiennes normales, la perte de l’emploi, l’interruption de l’école, de la formation et de l’isolement social peuvent entraîner des problèmes de santé mentale et affaiblir la santé physique.
L’actuelle pandémie de coronavirus, comme toutes maladies infectieuses, a souvent un impact énorme sur le bien-être et la psychologie de la population. Entre la peur de la maladie, l’isolement et les inquiétudes existentielles au sens étroit et large du terme présentes pendant une pandémie.
Depuis le printemps 2020, le Maroc comme la plupart des pays au monde a dû introduire des restrictions et des mesures très drastiques telles que le confinement total, partiel, la distanciation sociale ou la restriction massive de la vie publique afin d’éviter l’effondrement du système de santé et de pouvoir sortir de cette crise sans dégâts colossaux et fortes répercussions.
«La Covid-19, n’est pas qu’une histoire d’isolement, c’est un ensemble des choses. C’est un paquet de points d’interrogations. Quand la Covid-19 est survenu, on ne savait pas trop ce que c’était, il y avait le phénomène «nouveauté», le phénomène «indécision», hésitation par rapport à comment ça va évoluer. Du début, sa transmission, sa pathogénicité, la mort qu’elle peut susciter, les traitements, l’histoire du vaccin ou pas, la non-solution médicamenteuse dans le sens thérapeutique du terme… Tout le flou par rapport au devenir des gens sur le plan social, économique et sanitaire. Et la pire des choses dans la psychologie humaine ce sont les questions demeurées sans réponses. Lorsqu’on a des réponses aux questions, il n’y a aucun problème, l’être humain arrive à gérer un petit peu, mais lorsque vous avez un tas de questions et que l’être humain n’a pas de réponses, il se passe une chose que l’on appelle : le stress chronique. Le stress chronique avec le temps est une véritable catastrophe sur le plan cérébrale, parce que le stress chronique est un tas de mécanismes neurobiologiques et neurophysiologiques qui sont extrêmement nocifs pour le cerveau. Ce stress chronique vient rompre un équilibre et donc toutes personne qui vivaient avec une prédisposition, une fragilité mentale par exemple à l’angoisse, à la dépression, cette fragilité va venir et se rompre» nous explique le professeur Jalal Toufiq, psychiatre et directeur de l’hôpital Arrazi à Salé.
Confinement
Généralement, en période de confinement, les symptômes de stress post-traumatique, la dépression, la colère, la peur, la redondance des actes mais surtout le moral en berne dû à l’ignorance et au manque d’information sur le sujet.
Les répercussions du confinement ont été sévères chez les personnes les plus fragiles ou chez celles qui les conditions ont été contraignantes. Le sentiment de contrainte dépendant de plusieurs facteurs, dont certains sur lesquels la personne n’avait pas le choix, comme la taille du logement, l’absence d’accès à un espace extérieur, l’accoutumance de substance et la durée indéfinie du confinement.
«Le confinement, malheureusement, est venu rompre des liens. L’être humain fonctionne avec des liens, avec des interactions relationnelles. On dit aux gens pour être en bonne santé, il faut avoir des amis, des liens familiaux et il faut avoir une vie sociale. Pour être en bonne santé, il faut aller vers les autres et tout à coup, on dit aux gens, il faut absolument vous isoler et ne voir les gens qu’à travers un écran, un téléphone etc. Le problème c’est que dans la population générale, il y a beaucoup de sous population vulnérable, les sujets âgés, les personnes qui vivent seules, les personnes qui ont des maladies, les gens qui sont dans la dépendance sanitaire (les gens sur un fauteuil roulant, qui ont besoin de traitement particulier, à qui on doit faire des injections…) tout à coup, ils se retrouvent seuls, sans soutien, à cause justement du confinement» dévoile M. Jalal Toufiq.
«En tant que spécialistes, nous n’avons pas arrêté notre exercice et heureusement ! Nous avons été sollicités par le personnel Covid. Il y avait énormément d’impact psychologique sur les prestataires de soins, les infirmiers, les médecins qui travaillaient dans les services Covid. J’ai particulièrement été sollicité pour soutenir le personnel médical, mais mon équipe a été sollicitée dans toutes les entités Covid de la région afin de soutenir les malades mais également le staff médical», note M. Toufiq.
Couvre-feu
Confinement, couvre-feu à 18h pendant ramadan, subséquemment un couvre feu à 21h puis un autre pour 23h avec présence des barrages à chaque quartier. Depuis plus d’un an, les mesures de restriction sanitaires se suivent et se ressemblent pour tenter de paralyser la pandémie de coronavirus.
Le fait de ne pas se sentir libre, de circuler, de sortir, d’être limité est une amertume voir même une souffrance inconsciente.
Frontières fermées
Le gouvernement a été amené à travailler dans un contexte d’incertitude totale et à opérer des compromis difficiles face aux défis que représente le virus sur le plan sanitaire, économique et social. Notamment la fermeture des frontières temporairement totale, temporairement partielle, à l’improviste au moment ou certains citoyens devaient quitter le pays ou regagner le territoire pour des raisons professionnelles ou personnelles. Cette inaccessibilité au choix, ni à l’envisagement d’organiser un voyage a été une épreuve en plus aux citoyens.
«Cela dépend des tempéraments de base des gens, quelqu’un qui a un tempérament obsessionnel, va passer d’une vulnérabilité du tempérament, aux possibilités de troubles émotionnelles et donc vers une maladie. Les troubles anxieux sont montés au plafond, on a vu dans le monde qu’ils ont été multipliés pratiquement par trois. Les troubles paniques, on a eu aussi, l’avènement du phénomène de phobie, troubles anxieux non spécifiés, le trouble d’anxiété généralisé et les troubles dépressifs, de l’humeur. Nous avons eu une accélération et augmentation de la prévenance des troubles de l’humeur, on les voyait en consultation. Beaucoup d’indicateurs indirects, qui montrent qu’il y a une augmentation des troubles dépressifs pour la simple raison que beaucoup de gens qui ont cette vulnérabilité de l’humeur vont venir accorder la Covid surtout dans la durée dans le temps», souligne M. Toufiq
Vaccination
La vaccination obligatoire au Maroc contre le coronavirus suscite des réactions mitigées. Certains marocains, affichent leur réticence à se faire vacciner. Cette peur et ces refus surtout pour l’injection de la 3e dose sont expliqués par plusieurs facteurs qui sont mis en avant autant la sous information, le manque d’explication, aucune visibilité sur la fin de cette campagne, que la phobie et la peur du regret.
Ces aspects qui relèvent d’un ensemble de processus psychologiques, notamment la peur, le manque de confiance créer le doute et l’effet d’hésitation
«Ce n’est pas qu’une histoire de doute et d’hésitation parce que nous nous sommes bien fait vacciner pour d’autres choses, la rougeole par exemple. Les gens ne remettent pas le fait de se faire vacciner en question, ils sont réticents par rapport au Covid-19 pour plusieurs choses. La première des choses c’est que les gens pensent que les vaccins du Covid ont été faits trop vite, trop rapidement et ce n’est pas vrai ! Je vous explique un peu la problématique : avant, pour faire un vaccin, on prenait le temps, parce que les candidats qui sont pris dans les essais cliniques sont très peu nombreux, on prenait quelques centaines, ou quelques milliers sur plusieurs années. Avec le Covid, on a compensé le temps par le nombre de personnes qui sont prises dans les essais cliniques. Donc en fait, en augmentant le nombre, on augmente la probabilité d’apparition ou de détection des effets secondaires du vaccin. Ça été vite mais parce que le nombre de personnes à été grand. Et d’une part ce genre de chose, la personne lambda, ne va pas savoir», détaille M. Toufiq.
«Malheureusement, on tombe avec une inflation des réseaux sociaux, les gens sont devenus médecins, biologistes et tout le monde a commencé à donner son avis. Les septiques existent par rapport à tout, maintenant il y a des septiques par rapport au vaccin, sauf que avant les septiques quand ils se trouvaient dans le bistrot ou dans le café du coin et qui partageaient leur scepticisme entre deux à trois personnes, ça restait entre eux. Aujourd’hui un septique qui jette son scepticisme sur les réseaux sociaux, ça mégatonne de bêtises, de stupidité et ça touche tout le monde. Beaucoup de personnes malheureusement ne sont pas outillées pour avoir l’esprit critique par rapport à ce qu’on nous dit, donc les gens consomment sans réfléchir. Il n’y a pas de prise de distance par rapport à ce qu’on nous sert comme sottises parfois sur les réseaux sociaux et les gens avalent», pointe M. Toufiq.
La pandémie se proroge, les personnes s’impatientent et vont de plus en plus mal. Certains dans le domaine professionnel privé surtout, vivent un stress permanent, angoissés par une demande de productivité, de rentabilité dans une période de crise très compliquée. Des dirigeants incompréhensibles, rendent la vie dure à ces personnes et ces paramètres se répercutent sur leur vie de couple, sociale et sur leurs états mentaux.
Heureusement que les professionnels et les spécialistes du domaine sont là pour soigner les troubles du comportement, les souffrances mentales des patients. Ils remédient, soulagent les personnes dans le besoin en espérant une meilleure suite et une fin rapide de cette pandémie.
«Beaucoup de gens ont souffert de la Covid-19 et beaucoup d’autres continuent à souffrir. La covid-19 ce n’est pas que les symptômes cliniques, c’est aussi des gens qui meurent, des proches qui décèdent et une hypertrophie de la peur aussi par les médias. On s’est rendu compte que lorsqu’on est exposé aux médias sur la Covid plus d’une heure par jour, on augmente de façon draconienne la probabilité de faire un trouble anxieux. En 2020-2021, au début de la pandémie, les gens passaient leur temps devant la télévision à scruter les statistiques des morts, des gens en réanimation et les statistiques quotidiennes. Il y a une notion qui est très importante c’est celle de la résilience, vous pouvez être exposés et être résilients, il n’y a aucun problème mais si vous êtes exposés et que vous êtes fragiles, c’est là ou les choses malheureusement apparaissent. Et comme la fragilité est très fréquente chez l’être humain et qu’elle est sournoise et silencieuse. Elle sera brisée en vous exposant à des facteurs de stress qui sont toutes ces informations des médias. C’est pour cela que nous, professionnels préconisons que les gens puisent leurs informations auprès des sites scientifiques mais qu’ils s’évadent en évitant de regarder les informations en rapport avec la Covid, les chiffres ne servent à rien. Il faut se détacher et suivre les recommandations, ce sont les mesures barrières» conseille M. Jalal Toufiq
«Ces mesures-barrières, c’est un comportement, des facteurs internes et externes qui sont compliqués chez l’être humain. Pas tout le monde respecte ces mesures, pas tout le monde a la même perception de l’efficacité ou de leurs importances. C’est en rapport avec l’intelligence, le niveau d’exposition à l’information, le type de personnalité, laxisme que l’on peut avoir dans une société. Il y a des sociétés qui sont plus verrouillés où il y a une discipline comportementale qui va gérer cette société. Et puis il y a aussi toutes cette discipline individuelle, où l’individu se protège lui-même, il perçoit sa responsabilité comme une responsabilité collective, il faut protéger la communauté. Il est très important de savoir que les mesures ne sont pas faites que pour nous, elles sont là pour se protéger et par la même occasion protéger les autres (un parent, un voisin, celui qui s’assoit à côté de vous dans le train ou dans le café). C’est la même chose pour la vaccination, on se vaccine d’abord pour se protéger et automatiquement les autres. Donc tout ça, malheureusement c’est une histoire de culture et de perception de responsabilité dans une société qui est quelque chose de très complexe. N’oublions pas cette notion, du respect et de l’espace de l’individu», pointe M. Toufiq.
Pour conclure le Professeur Jalal Toufiq, nous rassure en déclarant que «le plus important à retenir de cette pandémie : c’est l’apprentissage. Moi je pense qu’il faut partir du principe que les décideurs politiques se basent sur dires des scientifiques, c’est la meilleure approche. Il faut faire confiance aux responsables, ils ne sont pas responsables par hasard. Quand vous voyez un chef d’état qui se vaccine lui-même, on sait très bien que ce n’est pas une prise de risque. Au contraire, c’est très important que le reste se fasse vacciner. L’importance aussi de l’éducation, à mon avis, à l’école : la responsabilité civique, c’est celle de se dire, il y a moi, il y a l’autre !»