Mustapha Ramid, réputé issu d’une ligne de pensée née autour de la figure de Abdelilah Benkirane, a tourné le dos à son mentor et ami de toujours. Il manœuvre pour réaliser ses ambitions et contenter la base conservatrice de son parti. Un double jeu assez perplexe.
Mustapha Ramid, retenu dans la configuration gouvernementale remaniée, ne cesse d’empiéter sur les attributions de celui qui a hérité des prérogatives de Mustapha El Khalfi, Hassan Abyaba. Dernier fait en date, l’autorisation octroyée à la Ligue marocaine de défense des droits de l’homme (LMDDH) pour organiser son congrès malgré le refus de la tutelle. Le ministre d’État chargé des droits de l’Homme et des relations avec le Parlement n’en est pas à sa première tentative d’outrepassement de ses domaines d’intervention. En 2002, Ramid avait appelé à la fermeture des centres culturels étrangers établis au Maroc devant la chambre des représentants. Historiquement, il a toujours réclamé d’interdire les boissons alcoolisées dans les hôtels, condamné les manifestations musicales et l’organisation de festivals culturels et défendu une vision rigoriste qui se cristallise sur la question de la morale. Mais depuis qu’il est dans les cercles du pouvoir, Mustapha Ramid a renié ses principes d’antan.
Le PJD et Ramid sont les deux faces d’une même pièce. Le parti vante sa «capacité de synergie» avec les autres formations politiques mais les mésalliances se succèdent, il prône la bonne collaboration avec les autorités publiques mais les dysfonctionnements se multiplient, il ne jure que par les plans d’action alors qu’il ne cesse d’externaliser certaines fonctions au prétexte de répondre aux besoins croissants des villes qu’il dirige. Il défend la probité mais s’autorise «une certaine souplesse avec la morale» quand il s’agit des indemnités puisées dans les caisses de l’État ou la concurrence bafouée dans le cadre des appels d’offres et des passations des marchés publics.
Mustapha Ramid, avocat ministre d’État chargé des droits de l’Homme, ancien ministre de la Justice et des libertés, fait partie des «durs» du parti qui s’opposent au pragmatisme de la ligne actuelle du PJD, est l’incarnation de la politique à double-face. Il se définit un rôle de « soutien critique » de la majorité, mais qui n’aborde que rarement la moralisation de la vie publique.
«Des gens du monde entier viennent [à Marrakech] pour passer beaucoup de temps à commettre des péchés et s’éloigner de Dieu», a déclaré Mustafa Ramid en 2012, suscitant un énorme tollé. Le parti gestionnaire installé aux rênes de la ville actuellement, qui n’est que le PJD, affiche un bilan peu reluisant.
En avril 2017, il a été mandaté pour défendre le principe d’égalité entre hommes et femmes devant le Conseil de l’ONU des droits de l’Homme prévu en mai, à Genève, sachant qu’il a deux femmes comme épouses. Situation cocasse où cette forme familiale est mal vue eu égard aux différentes mutations socioculturelles dont la société marocaine est le théâtre. En juin 2018, il avait estimé que la liberté de conscience était « une menace » pour la « cohésion » du Maroc, malgré la position des institutions religieuses officielles qui réclament leur soutien en faveur de l’ouverture religieuse.
Ramid a prouvé sa capacité à faire les comptes mais pas celle à rendre des comptes : il use de son pouvoir d’acteur perturbateur vis-à-vis des autres acteurs politiques qu’il veut forcer à réagir ou à suivre son courant. Jamais loquace quand il s’agit des affaires personnelles, de la dilapidation des deniers publics, de diminution des recettes publiques, mais défend les injonctions péremptoires à la gouvernance néolibérale qui se font autour de mots d’ordre consensuels mais sans substance réelle (la proximité, la probité, la moralité). Force est de reconnaître que la coalition dont fait partie Mustapha Ramid, qui devait montrer ses capacités sur le terrain des résultats économiques dans une conjoncture plutôt morne grevée par un héritage lourd en déficits et en chantiers suspendus, n’a pas su faire ses preuves.
Dans un contexte de clientélisme concurrentiel, Mustapha Ramid, qui a défendu dans les tribunaux les auteurs des attentats du 16 mai 2003, est considéré désormais comme un homme d’appareil, véritable cheville ouvrière du PJD à l’échelle locale, mais discrédité.