Lundi dernier, lors de la séance mensuelle de la Chambre des conseillers relative à la politique publique autour du « développement des zones reculées dans le cadre de la régionalisation avancée », le Chef du gouvernement, Saâdeddine El Othmani, a réaffirmé l’engagement de l’Exécutif à aller de l’avant et à apporter son appui au chantier de la régionalisation avancée en tant que pilier du développement territorial dans ses divers aspects.
La réalisation d’un développement global et intégré se trouve au cœur du chantier de la régionalisation avancée, lancé par le Monarque en 2008, en tant que levier essentiel permettant à chaque région du Maroc de construire son propre modèle s’appuyant sur ses potentialités naturelles et géographiques et ses spécificités socio-économiques, tout en mettant en place des mécanismes de solidarité interrégionaux.
Selon le Chef du gouvernement, le Maroc est engagé dans cette perspective de promotion du développement régional. C’est dans ce sillage que le Royaume a adopté un découpage régional fondé sur une approche fonctionnelle, dans le but de progresser vers un développement intégré et lutter efficacement contre les disparités sur les plans des potentialités économiques et des infrastructures. Une mesure initiée parallèlement à l’adoption de la loi organique 111.14 relative aux régions qui prévoit une série de mesures, dont l’inclusion du développement rural dans les compétences de la région.
Par ailleurs, dix régions marocaines sur douze ont pu adopter leurs propres programmes de développement. Ainsi, les projets prioritaires de ces régions ont été définis, au titre de la période 2019-2021, en fonction de leurs priorités. D’ailleurs, 454 programmes et projets prioritaires ont été retenus pour la même période sur un total de 2.368 projets de développement, pour un coût global de 109,06 milliards de dirhams, avec une contribution des départements ministériels à hauteur de 39%, soit un montant de 42.5 milliards de dirhams.
Dans ce contexte, les collectivités territoriales, qui sont venues pour dessiner une nouvelle architecture territoriale du Maroc basée sur la régionalisation avancée et sur des fondements constitutionnels, ont bénéficié d’un total de 4,26 milliards de dirhams (MMDH) de prêts auprès du Fonds d’équipement communal (FEC) en 2018.
En outre, même si les prêts FEC ont bénéficié aux 12 régions du Royaume, on remarque une certaine disparité de dispatching de fonds comme souligne le rapport de la direction du budget relevant du ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration. En effet, les collectivités territoriales relevant de la région de Casablanca-Settat ont bénéficié de 29% des prêts, soit un montant de 1,24 MMDH, suivies des collectivités relevant des régions de l’Oriental et de Laâyoune Sakia El Hamra qui ont contracté respectivement 882 millions de dirhams (MDH) et 428 MDH.
Afin de résorber ces inégalités ou du moins les atténuer, plusieurs mécanismes ont été imaginés par le Maroc comme des mécanismes de redistribution interrégionale liés aux budgets publics, des programmes ciblés, mais également la coopération décentralisée. Dans ce sens, un Fonds de solidarité interrégionale a été créé. Prévu par la Constitution de 2011 et par la loi organique relative aux régions, ce fonds a pour objectifs de résorber les déficits en matière de développement humain et de réduire les disparités entre les régions. Rien qu’en 2018, le plafond des charges dudit compte s’est élevé à 679.2 MDH, ce qui correspond à 10% des ressources financières affectées par l’Etat aux régions.
Dans le même contexte, le Programme de réduction des disparités sociales et territoriales (PRDST) (2017-2023) a été lancé. Doté d’un budget global de 50 MMDH, le PRDST a été mis en place en application des hautes instructions royales contenues dans le discours du trône de 2015 relatives à la régionalisation avancée. Jeudi dernier, à savoir le 21 novembre, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a présidé une réunion consacrée au suivi de l’exécution des projets retenus dans le cadre dudit programme. Durant cette réunion, plusieurs ministres ont exprimé leur satisfaction par rapport à l’état d’avancement de ce programme.
Le programme de réduction des disparités spatiales et territoriales, qui couvre la période 2017-2023, vise ainsi le désenclavement des populations rurales et des zones de montagne par la construction des routes, des pistes et des ouvrages de franchissement en vue d’améliorer leur qualité de vie. Il a également pour objectifs d’améliorer et de généraliser l’accès des populations locales aux services de base, à savoir l’électricité, l’eau potable, la santé et l’éducation, en plus de la création des conditions nécessaires au renforcement et à la diversification des potentiels économiques des zones rurales et des montagnes.
Toutefois, malgré ce bilan positif annoncé par l’Exécutif, plusieurs députés pointent du doigt la persistance des inégalités territoriales. D’ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) indique dans un focus rapport sur les inégalités régionales et territoriales que jusqu’à 2015, 3 régions sur 12 ont réalisé 58,3% du PIB du Maroc, à savoir, Casablanca-Settat (32,2%), Rabat-Salé-Kénitra (16%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (10,1%), témoignant, ainsi, d’une concentration géographique poussée de la création de richesse. Selon les estimations du HCP, il faudrait environ 24 ans pour que le processus de convergence arrive à réduire les disparités régionales initiales de moitié au Maroc.
Par ailleurs, le niveau de développement des régions demeure généralement conditionné par l’attractivité du territoire pour l’investissement privé qui permet de créer de la valeur ajoutée, des revenus et de générer des emplois. Or, la répartition territoriale des entreprises montre qu’il existe des disparités flagrantes entre les régions.
Il semble alors que malgré les efforts fournis par le Maroc en matière de lutte contre les disparités régionales, les inégalités territoriales persistent. Il est donc important aujourd’hui de prendre du recul et de mieux restructurer les programmes déjà mis en place afin de remédier à ce problème. Selon les comptes régionaux de 2017 du HCP, trois régions marocaines génèrent 63,6% de la croissance économique en 2017 alors que les 9 régions restantes n’y contribuent qu’à hauteur de 36,4%. Il faut donc mettre en place des programmes qui font la promotion de la justice sociale tout en corrigeant les dysfonctionnements des programmes en mobilisant les compétences qualifiées, aux niveaux régional et local.
Rappelons qu’à l’occasion du 33ème anniversaire de la Marche Verte en 2008, le Roi Mohammed VI avait annoncé le lancement de « la dynamique d’une régionalisation avancée et graduelle, englobant toutes les régions du Maroc, avec, à leur tête, la région du Sahara marocain ». « La régionalisation envisagée est une réforme structurelle de fond », a précisé le Souverain, soulignant la nécessité d’un effort collectif « pour que ce projet soit mis au point et porté à maturité ».
En 2017, le Souverain a annoncé dans un message adressé au 2ème Forum parlementaire des régions qu’il faut passer à « la vitesse supérieure, celle de la concrétisation effective et efficiente de cette mutation historique [NDLR : régionalisation avancée] ». En 2019, à l’occasion du 66ème anniversaire de la Révolution du roi et du peuple, le Monarque a exhorté le gouvernement à donner la priorité à la mise en œuvre de la régionalisation avancée et de la Charte de déconcentration administrative afin de relever les défis qu’impose la nouvelle étape.