Dans les relations entre la France socialiste et le Maroc, il y a comme qui dirait une sorte de passion qui parfois l’emporte sur la realpolitik. Tantôt une éclaircie, tantôt un nuage, cela dépend des humeurs et surtout des intérêts.
Ce serait un secret de polichinelle que de dire que les relations stratégiques entre Rabat et Paris ont toujours été au beau fixe. Mais elles évoluent par moments en dents de scie, parfois du coté politique, et parfois du coté médiatique.
Mais force est de constater que le politique et le médiatique se trouvent intrinsèquement liés, et pour cause : à chaque fois qu’une affaire surgit entre les deux pays, c’est tout le landerneau politico-médiatique qui se trouve secoué.
Ce qui est désormais appelé l’affaire Eric Laurent-Catherine Graciet, du nom de ces deux journalistes convertis en maîtres chanteurs, relève de ces piques épisodiques qui viennent gâcher les lunes de miel éphémères entre les deux capitales. Même si la classe politique aussi bien au Maroc qu’en France ne s’est pas encore exprimée publiquement, il reste néanmoins que ce que la presse dit tout haut, les politiciens le pensent tout bas.
D’aucuns diront que c’est aller vite en besogne en voulant coûte que coûte faire une corrélation entre les soubresauts constatés ces dernières années dans les relations surtout politiques entre Paris et Rabat, et les exemples ne manquent pas. Mais à y regarder de prés, tout porte à croire que rien n’est fait au hasard.
Pour revenir à l’affaire du jour, nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi un journaliste doublé d’un écrivain, de la trempe d’Eric Laurent tombe aussi bas, surtout dans ses relations avec le Maroc. Titulaire d’une maîtrise de droit, Eric Laurent, à 68 ans est connu pour ses ouvrages, une vingtaine publiée depuis 1984, en plus de thrillers signés Philip Kramer.
Ses œuvres souvent sous forme d’enquêtes sur des sujets d’actualité, tels Guerre du Golfe, le dossier secret (Orban, 1991) avec Pierre Salinger, Le grand mensonge, le dossier noir de la vache folle (Plon, 2001) ou Guerre au Kosovo, le dossier secret (Plon, 1999). Ancien directeur de collection chez Plon, Eric Laurent se fera surtout connaître après les attentats du 11 septembre 2001, grâce à deux livres consacrés à la famille Bush, et à un troisième, centré sur les attaques elles-mêmes : la Face cachée du 11-Septembre (Plon, 2004), dans lequel il caresse dans le sens du poil ceux qui réfutent la thèse d’un attentat planifié et exécuté par Al Qaeda.
Mais ce qui le fera connaitre au Maroc, c’est son livre : la Mémoire d’un roi (Plon, 1993) et le Génie de la modération. Réflexions sur les vérités de l’islam (Plon, 2000), consacrés, toux deux, au défunt roi Hassan II.
Deux ouvrages laudateurs du père de l’actuel roi Mohammed VI. Ce dernier, le moins que l’on puisse dire, n’a pas eu le même traitement et la même grâce aux yeux d’Eric Laurent, à en juger par son livre coécrit avec Catherine Graciet le Roi prédateur. Main basse sur le Maroc (Le Seuil).
Si l’on en croit un « décryptage » publié dans Libération par Emmanuel Fansten, Luc Mathieu et Anna Ravix, Correspondante à Rabat, citant « un bon connaisseur des arcanes du pouvoir marocain », Eric Laurent aurait tenté de convaincre Mohammed VI de se livrer au même exercice que son défunt père en se confiant à ce journaliste. Mais le monarque aurait fait traîner avant de refuser. Une telle déduction n’est pas à écarter, comme d’ailleurs l’appétit de l’argent facile à un âge de la retraite.
Sa co-auteur, Catherine Graciet, pas encore touchée par l’âge de la retraite, est, elle, moins controversée. Hormis le fait qu’elle ait travaillé entre 2004 et 2007 pour la publication marocaine, le Journal hebdomadaire, avant d’intégrer l’équipe de Bakchich, un site d’enquête français, Catherine Graciet, avait publié, avec un autre journaliste français, Nicolas Beau, un pamphlet sur Leila Trabelsi, épouse de l’Ancien président Ben Ali, intitulé « La régente de Carthage, main basse sur la Tunisie » publié en 2009.
Selon la Presse News, elle « a bien reçu une grosse somme d’argent pour écrire ce livre de la part d’un citoyen tunisien résidant dans un pays du Golf au nom de Lotfi ».
Fait troublant, Eric Laurent et Catherine Graciet ont au moins un point en commun : le choix des titres de leurs « œuvres ». « Le Roi prédateur, main basse sur le Maroc », « La régente de Carthage, main basse sur la Tunisie ».
Ils ont fini tous les deux par tenter de faire main basse sur l’argent du roi Mohammed VI.






