Lassés de plus d’une décennie de chaos et de violences fratricides, les Libyens ne souhaitent rien de plus que de pouvoir se rendre aux urnes pour élire une autorité unifiée, mettre fin aux divisions et retrouver la paix, selon l’émissaire de l’ONU, Stephanie Williams.
Malgré les fortes divergences au sein de l’élite politique et des craintes pour la viabilité d’une trêve signée il y a 17 mois, la représentante du Secrétaire général de l’ONU est confiante.
« La plupart des Libyens veulent vraiment mettre fin à 11 ans de chaos, de division et de guerre, et le faire de manière pacifique en se rendant aux urnes », a déclaré Stephanie Williams lors d’un entretien samedi en Tunisie.
Déjà minée par les divisions entre institutions concurrentes dans l’Est et l’Ouest, la Libye se retrouve depuis début mars avec deux gouvernements rivaux, comme elle l’a été entre 2014 et 2021, alors en pleine guerre civile après le renversement du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Bras de fer
« Il y a une crise autour de l’exécutif, un bras de fer politique sur qui doit siéger à Tripoli, mais cela peut être résolu », a affirmé M. Williams.
Fathi Bachagha, ancien ministre de l’Intérieur, a obtenu la confiance du Parlement élu en 2014 et l’appui de Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est qui avait mené en 2019 une offensive dévastatrice de 14 mois contre un précédent « gouvernement d’unité », siégeant à Tripoli (Ouest) reconnu par l’ONU et dont faisait partie M. Bachagha.
Aujourd’hui, M. Bachagha défie l’exécutif en place à Tripoli, issu des accords politiques parrainés par l’ONU et dirigé par Abdelhamid Dbeibah qui refuse de céder le pouvoir sinon à un gouvernement issu d’élections.
Le 10 mars, des groupes armés favorables à M. Bachagha avaient pris position aux portes de Tripoli, faisant craindre une reprise des hostilités et l’effondrement du cessez-le-feu.
Mme Williams avait alors exhorté les deux parties à la retenue, mettant en garde contre une escalade et proposant sa médiation. M. Bachagha, ne souhaitant pas être à l’origine d’un nouvel affrontement, a opté pour la désescalade.
M. Dbeibah a été désigné en février 2021 pour mener la transition en organisant des élections présidentielle et législatives prévues le 24 décembre.
Mais en raison de profondes divergences entre les diverses factions politiques concernant ces scrutins, les élections ont été reportées sine die.
Ce fut « une grande déception » pour les Libyens, a affirmé Mme Williams, en particulier pour les 2,8 millions d’entre eux qui se sont inscrits pour voter, dans un rare élan d’optimisme dans la foulée du cessez-le-feu signé en octobre 2020 et qualifié d’historique par l’ONU.
Zéro appétit pour la guerre
En Libye, « il y a zéro appétit pour revenir à un conflit » et les manœuvres politiques visant à entraver les élections montrent « l’énorme déconnexion entre la classe politique et l’électorat », estime la diplomate onusienne.
Dans le cadre de ses bons offices pour sortir la Libye de l’impasse, Mme Williams avait invité le Haut Conseil d’Etat (HCE) basé à Tripoli et qui fait office de Sénat, et le Parlement (Est) à négocier pour débloquer la question cruciale d’un cadre constitutionnel régissant les élections dans un pays privé de sa loi fondamentale depuis sa suppression par Mouammar Kadhafi en 1969.
« Nous sommes à un tournant crucial pour les amener autour d’une même table des négociations avec de bonnes intentions et de la bonne foi pour régler ce problème », a déclaré Mme Williams, confiante sur le fait qu’une solution peut encore être trouvée.
Ils doivent « s’asseoir et négocier sérieusement et de bonne foi » et garder à l’esprit qu’il y a « trois millions de personnes qui les regardent », a-t-elle dit, en référence aux électeurs libyens qui s’étaient inscrits pour voter en novembre.
Selon la diplomate, qui a multiplié les rencontres avec des Libyens de tous bords, tout exécutif « qui n’est pas directement élu par le peuple », aura toujours « un degré de légitimité superficielle ».