Au Maroc, le niveau d’endettement des ménages affiche un rythme crescendo et le ratio dette sur le PIB, l’un des critères les plus souvent utilisés pour l’évaluer, atteint des sommets. Pour leurs parts, les défauts de paiement se multiplient et les créances en souffrance s’accentuent.
La dette des Marocains est portée par l’élargissement de l’offre de crédit tant à l’habitat qu’à la consommation. Elle ne cesse d’augmenter d’une année à l’autre. Elle est passée de près de 101 milliards de dirhams (MMDH) en 2005 à plus de 342 MMDH à fin 2018. Entre 2017 et 2018, elle s’est accrue de 6,1%. L’encours de la dette des ménages représente 31% du PIB, soit à peu près le tiers de l’ensemble des financements accordés aux agents économiques, ressort-il du dernier rapport de Bank Al Maghrib sur la supervision bancaire. Le niveau d’endettement moyen par ménage a grimpé de 1.500 dirhams entre 2017 et 2018. Il est ainsi passé de 41.000 dirhams à 42.500 dirhams en 2018.
“Le niveau du ratio dette/PIB demeure presque stable sur les 10 dernières années”, fait remarquer le professeur d’économie et de finance à l’Université Mohamed V de Rabat, Hicham Sadok, dans une interview accordée à la MAP. Toutefois, poursuit-il, “Si nous le comparons à d’autres pays émergents et en développement, dont la moyenne est au alentour de 20% du PIB, il parait que le niveau d’endettement des ménages au Maroc demeure très élevé”.
L’une des principales raison de cette hausse de l’endettement est l’inadéquation entre la grille des revenus et le prix de l’immobilier au Maroc. La dette bancaire des marocains est constituée à hauteur des deux tiers des crédits logement, soit à peu près 219 MMDH, dont 4,2 MMDH sous forme de financement mourabaha immobilière, alors que le crédit à la consommation représente, quant à lui, l’autre tiers, soit près de 123 MMDH.
“Le prix de l’immobilier a atteint un niveau inapproprié aux niveaux des salaires”, relève M. Sadok, notant dans ce sens, que 31% des revenus des ménages endettés sont inférieurs à 6.000 dirhams, 60% perçoivent un revenu mensuel inférieur à 10.000 dirhams, tandis que la charge de la dette est de 38% en moyenne pour les revenus inférieurs à 4.000 DH.
Interrogé sur la relation entre l’endettement des ménages et la croissance économique, M. Sadok indique qu’une hausse de l’endettement est susceptible de stimuler la croissance économique et l’emploi, mais seulement dans le très court terme. Dans le moyen et long termes, les effets s’inversent, la croissance est plus faible qu’en temps normal, et par conséquent, le risque d’apparition d’une crise économique et bancaire augmente, souligne-t-il. Il note à cet égard que dans un premier temps, les ménages s’endettent pour acquérir de nouveaux biens ce qui stimule l’économie à court terme, mais les ménages fortement endettés peuvent se trouver, par la suite, en perte de pouvoir d’achat et seront contraints, de ce fait, de réduire leurs dépenses pour rembourser leurs emprunts, ce qui freine la consommation et la croissance.
Autre conséquence néfaste de l’endettement des ménages sur l’économie en général, selon le chercheur, est la “baisse du patrimoine financier”, faisant savoir qu’Au Maroc, ce dernier est constitué à hauteur de 83% de dépôts courant auprès des banques, alors que les placements en assurance-vie et en valeurs mobilières y pèsent 7%. Par conséquent, les ménages ne peuvent épargner durablement pour financer les besoins de l’investissement, “ce qui crée un déficit en compte capital et oblige l’Etat à se financer à l’étranger”, fait savoir M. Sadok.