Les régions de Guercif et de Taourirt (est du pays) sont connues pour être des zones arides où les précipitations se font rares, durant toute l’année. Et quand il pleut, ce sont des pluies torrentielles, des tempêtes, des orages, comme il en a été le cas ces derniers jours à Taourirt. Mais comme on dit dans la région, quand la pluie s’abat sur Midelt et à Dahra, les hauts plateaux au sud de la région de l’oriental, Guercif et Taourirt ont droit à des inondations des oued de la Moulouya et Za, qui passent par ces villes.
Les sources de la Moulouya se trouvent à l’amont à Midelt tandis que Za, il faut remonter jusqu’à Dahra, les hauts plateaux au sud de Taourirt et Debdou, pour retrouver ses sources. Au niveau de Tgafait, il est d’ailleurs appelé Oued Charef. Les deux oueds, dont le débit a beaucoup baissé au cours de ces dernières décades, se déversent dans les barrages de Mechraa Homadi, construit à l’aube de l’indépendance, et Mechraa Klila, réalisé quelques années plus tard, pour l’irrigation des plaines de Trifa (Berkane) et de Bou argue (Nador).
Ces crues étaient tellement graves, historiquement, que les eaux passaient par-dessus un pont colonial géant, haut de plusieurs mètres, sur la route nationale (Rabat-Oujda), qui a résisté des décennies, avant de s’effondrer, sous la pression des inondations. L’armée marocaine avait, me rappelais-je, mis en place un pont mobile, en attendant les chantiers de reconstruction d’un nouveau pont. Mais, la longévité de ce nouveau pont est à mettre à l’actif de la construction du barrage El Gharras au sud de Taourirt, qui collecte et bloque désormais les eaux de crue de l’oued Za. Les paysans, riverains de l’oued, sur plusieurs dizaines de kilomètres, outre les victimes et les bêtes emportées régulièrement par les eaux, subissaient les injustices de ces crues, qui emportaient également leurs parcelles de terres agricoles, partiellement ou totalement, et n’en gardaient que les titres fonciers. Grâce au barrage, les paysans ont retrouvé leur sécurité.
Ces inondations viennent en effet me rappeler un triste souvenir car, enfant, j’ai failli être emporté par les crues, alors que personne parmi mes proches immédiats ne savaient que j’étais allé à l’oued pour une baignade, durant un des étés, souvent très chauds dans la région. Les enfants se rendaient dans des endroits qu’on surnommait Guelta, des fosses relativement profondes, creusées par le ruissellement des eaux. J’avais donc ôté mes vêtements, et alors que je regardais du côté opposé à l’écoulement des eaux, j’observe ma chemise et mon pantalon emportés par les eaux. Je cours pour récupérer mes affaires, avant de tourner mon regard derrière.
Alors, la crue, gigantesque, venait à peine d’atteindre les lieux et n’était pas forte au début, parce que les eaux se répandaient et se propageaient sur le lit de l’oued qui était très large. Heureusement pour moi. Sinon, enfant, personne ne m’aurait vu et la fin tragique de cet humble personnage que je suis aurait été consommée, dans l’anonymat total. Un souvenir triste, qui fait qu’aujourd’hui, je suis plus sensible quand je vois des scènes de sauvetage de gens emportés par les crues. Cela fait plus 50 ans. Un souvenir jamais oublié.
*journaliste et écrivain