Après cinq semaines d’interrogatoires à huis clos, l’initiative explosive lancée par les démocrates contre le président américain est propulsée dans une nouvelle phase publique.
La Chambre des représentants, à majorité démocrate, a approuvé jeudi l’enquête en vue d’une procédure explosive de destitution contre Donald Trump, la propulsant dans une nouvelle phase publique après cinq semaines d’interrogatoires à huis clos.
La résolution a été adoptée par 232 voix favorables contre 196 voix, les élus se conformant largement aux consignes de leur parti. Elle était présentée par l’élu démocrate James McGovern, qui préside la commission du règlement de la Chambre des représentants. Ce texte donne un cadre formel aux investigations et permettra aux élus d’interroger publiquement les témoins de l’affaire ukrainienne.
Le 24 septembre, Nancy Pelosi, la chef des démocrates à la Chambre, a décidé d’engager son parti sur la voie périlleuse de l’impeachment après des révélations concernant un appel téléphonique entre Donald Trump et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, au cœur de l’été. Exaspéré, le président répète que sa conversation était « irréprochable » et se dit victime de « la plus grande chasse aux sorcières de l’histoire américaine ». « C’est inique, anticonstitutionnel et fondamentalement antiaméricain », a de son côté commenté la Maison Blanche dans un communiqué.
Pour déterminer si Donald Trump a utilisé les moyens de l’Etat pour faire pression sur Kiev, les démocrates ont déjà entendu une douzaine de diplomates et conseillers de la Maison Blanche derrière les portes closes de la Chambre. Selon les éléments qui ont fuité, des ambassadeurs et des hauts responsables ont livré des témoignages parfois accablants pour la Maison Blanche lors de ces auditions fleuves.
Ils ont notamment révélé les efforts déployés pendant des mois par des proches du président, dont son avocat personnel, Rudy Giuliani, en marge des canaux de la diplomatie officielle, pour convaincre Kiev de fournir des informations embarrassantes sur Joe Biden, possible candidat à l’élection présidentielle de 2020.
Le président et son entourage n’ont eu de cesse de critiquer le secret de ces auditions, accusant les démocrates de distiller des éléments choisis pour donner une image faussée de la réalité. Ils leur ont aussi reproché de violer les droits de Donald Trump à se défendre et d’avancer sans avoir jamais procédé à un vote. La résolution vise à les priver de cette ligne de défense. Outre l’organisation d’auditions publiques, la résolution prévoit d’autoriser les républicains à convoquer leurs propres témoins lors de la phase d’enquête supervisée par la commission du renseignement.
Le texte prévoit ensuite le transfert des preuves à la commission judiciaire qui sera chargée de rédiger les articles de mise en accusation du président. A ce stade, « la participation du président et de ses avocats sera autorisée », selon une copie du texte. La défense de Donald Trump pourra ainsi demander de nouveaux témoignages ou des documents, procéder à des contre-interrogatoires et soumettre des objections. Mais, si le président refuse de coopérer aux requêtes du Congrès, ses demandes pourront être refusées.
Pour cette raison, la Maison Blanche crie à « l’arnaque ». Lors de débats en commission, des élus républicains ont dénoncé mercredi une procédure « injuste », qui n’est selon eux « ni ouverte ni transparente ». La Constitution américaine ne donne que les grandes lignes pour destituer un président : il revient à la Chambre des représentants le soin de le mettre en accusation, au Sénat de le juger. Compte tenu de la majorité républicaine à la chambre haute, une destitution paraît à ce stade peu probable.
Le résultat de l’enquête dépendra de l’opinion publique. Si les démocrates arrivent à persuader une infime partie des partisans du président Trump qu’il ne devrait plus être président, il perdra presque certainement les élections de 2020. Si les démocrates peuvent convaincre une part modeste de ces partisans, il risque de perdre le soutien des républicains du Congrès et d’être destitué de ses fonctions par le Sénat.
Les démocrates savent néanmoins que la procédure est dangereuse : les électeurs de six Etats-clés en 2020 (Arizona, Floride, Michigan, Caroline du Nord, Pennsylvanie et Wisconsin) s’opposent (de 52 à 44 %) à la destitution du président Donald Trump, selon un sondage publié par le NYT, le 21 octobre. Mais la même proportion appuie l’enquête menée par la Chambre des représentants.