Des milliers de sympathisants du candidat à la présidentielle Kais Saied ont envahi les grands boulevards du centre de Tunis dimanche soir, après que deux sondages à la sortie du scrutin eurent révélé sa victoire.
Le vote de dimanche n’était que la deuxième élection présidentielle libre de la Tunisie et s’est produit après des années de frustrations économiques. M. Saied, un professeur de droit à la retraite soutenu par des courants islamistes et gauchistes, n’a pratiquement pas déployé de fonds pour sa campagne électorale qui a saisi l’imagination des électeurs en promettant de raviver les valeurs du soulèvement de 2011. « Nous devons rétablir la confiance entre le peuple et les dirigeants », a déclaré Saied dans des commentaires télévisés, après que deux sondages à la sortie des urnes lui avaient accordé plus de 70% des suffrages. Confirmé désormais en tant que président, Saied fera face à un moment difficile de l’histoire politique tunisienne. Le Parlement élu la semaine dernière est profondément fracturé et, bien que le parti islamiste modéré Ennahda, qui a remporté le plus de sièges, il aura du mal à former une coalition soudée. Le Premier ministre, choisi par le Parlement, a des pouvoirs plus larges que le président, mais, puisque ce dernier est le plus haut responsable élu en Tunisie, il reste responsable devant l’opinion publique de l’état du pays.
Tous les gouvernements récents ont été minés par des problèmes économiques : chômage de 15%, inflation de 6,8%, dette publique élevée, et de puissants groupements qui s’opposent aux réformes économiques et aux exigences des prêteurs étrangers.
M. Karoui a déclaré lors d’une conférence de presse qu’il déciderait de faire appel ou non après l’annonce des résultats officiels par la commission électorale, mais a déclaré qu’il a été privé de la possibilité de participer à une compétition loyale. M. Karoui a passé plusieurs semaines en détention dans l’attente de son procès pour corruption avant d’être libéré mercredi. Il a passé le premier tour des élections derrière les barreaux. L’une des missions d’observation des élections à l’étranger en Tunisie a déclaré dimanche que la détention de Karoui avait suscité des inquiétudes quant au vote, affirmant que celui-ci «ne se déroulerait pas comme si de rien n’était». Karoui nie les accusations de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale, mais le verdict de son procès est toujours en attente. Des foules de partisans de M. Saied ont commencé à se rassembler sur l’avenue bordée d’arbres Habib Bourguiba, dans le centre de Tunis, peu après la fermeture des bureaux de vote, applaudissant les slogans de la révolution de 2011 dans l’attente de sa victoire. Ailleurs dans le centre-ville, des voitures circulaient dans les rues en klaxonnant.
«Nous sommes heureux parce que cette victoire a exalté l’esprit de la révolution», a déclaré l’un des partisans de Saied, qui n’a donné que son prénom, Nejib. La participation électorale étant supérieure à celle d’autres élections récentes en Tunisie, le sondage de dimanche semble avoir inversé la tendance récente au désenchantement politique.
La commission électorale a déclaré qu’après la fermeture des bureaux de vote, le taux de participation serait supérieur à 60%. Au premier tour de l’élection présidentielle, qui a placé Saied et Karoui au second tour devant 24 autres candidats, le taux de participation n’était que de 45%. Les deux candidats ont proposé des visions radicalement différentes : M. Saied a des opinions sociales conservatrices et souhaite que la Tunisie adopte une forme expérimentale de démocratie directe. Il a déclaté qu’en cas de victoire, sa première visite en tant que président sera en Algérie. Il a également exprimé son soutien à la cause palestinienne.
Karoui a fait la cour aux pauvres, mettant en avant sa philanthropie sur la chaîne de télévision qu’il possède, mais a également séduit l’élite du monde des affaires et certains Tunisiens laïcs inquiets des opinions sociales conservatrices de Saied. Les deux candidats se sont présentés comme des outsiders s’engageant dans un champ politique qui n’a pas réussi à améliorer l’économie tunisienne ni à enrayer le déclin du niveau de vie.






