A l’approche des échéances 2021, la nécessité de réformer les lois électorales se fait ressentir de plus en plus du côté des partis politiques. Découpage électoral, mode de scrutin, financement des campagnes et reddition de comptes sont à l’ordre du jour en matière de points à réformer.
La problématique réside dans l’arrivée imminente des trois échéances : législative avec un scrutin majoritaire plurinominal à un tour, communale et régionale, toutes deux avec un scrutin de liste proportionnelle. Un triple rendez-vous qui n’arrive pas souvent, et qui nécessite des partis politiques d’être « triplement prêts » pour optimiser leur représentativité aux trois niveaux. Optimiser la représentativité pour les partis passe impérativement par la révision de certaines lois électorales. Le premier à prendre action est le parti de l’Istiqlal (PI) qui vient d’adresser une lettre au Chef de gouvernement, le sommant d’accélérer la réforme du cadre juridique encadrant les élections, notamment ce qui a trait au règlements électoraux et le mode de scrutin, le seuil électoral, la représentation des femmes et des jeunes.
En effet, Abdeljabbar Rachidi, membre du bureau politique, a affirmé que le parti s’est doté d’une commission, qui travaille actuellement sur le sujet, et qu’il n’est pas possible de révéler plus en ce moment. Même son de cloche du côté du Parti du Progrès et du Socialisme, qui, selon les mots de son Secrétaire général, Nabil Benabdellah, a adressé une lettre à El Othmani lui demandant de réunir les partis politiques dans leur ensemble, afin de discuter de la réforme électorale. Bien que rien ne filtre pour l’instant, les partis de l’opposition semblent motivés par une même urgence à un an et demi des échéances électorales.
Il est dans ce sens possible de relever certains obstacles à la représentativité des partis dans le système électoral actuel. Premièrement le taux d’abstinence qui est flagrant parmi les plus jeunes des électeurs. En 2016, celui-ci s’est élevé à près de 57% lors des législatives. Pour Nabil Benabdallah, le but premier de ces réformes est de mener les élections de manière à éviter un grand taux d’abstinence, qui, en réalité, est due à un réel découragement des électeurs, qui n’ont plus vraiment confiance en la classe politique. Sur le plan électoral, le manque de représentativité est tant une cause qu’un effet de l’abstinence électorale. Prenons par exemple le cas des législatives de 2016, la province de Tarfaya comptant moins de 8.000 électeurs est représentée de deux sièges au parlement, alors que celle de Casablanca-Anfa qui regroupe plus de 48.000 électeurs effectifs, n’est représentée que par 4 sièges. L’on remarque ainsi que certaines circonscriptions, plus « lourdes » démographiquement, sont faiblement représentées au sein du parlement.
Le découpage électoral joue également un grand rôle dans la représentativité puisqu’il a toujours été vécu comme une manière se d’octroyer la plus grande part du gâteau par les partis politiques. Les circonscriptions sur lesquelles se basent le découpage électoral est en réalité une répartition territoriale qui peut renforcer ou affaiblir la présence d’un parti politique dans une région. En général, le nombre de sièges par circonscription varie d’une élection à l’autre, chose qui s’avère pénalisante pour, à titre d’exemple, des circonscriptions urbaines très peuplées, mais avec un taux de participation très faible.
Autre pomme de discorde, la baisse du seuil électoral de 6% à 3%. Cette proposition a été faite en premier lieu par le PPS, qui estime qu’il faut impérativement harmoniser les seuils électoraux puisqu’il y en a un pour les collectivités locales, un pour la liste des femmes, et un pour la liste nationale. En même temps, un seuil trop haut n’encourage pas les électeurs à revenir puisque trop élevé, quand ils votent pour des petits partis, ces derniers ne sont finalement pas représentés. Une autre réclamation de longue date du PPS est l’inclusion des MRE dans le mode de scrutin.
Ce manque de représentativité est perceptible tant au niveau territorial qu’au niveau des compétences. Les électeurs marocains, de manière générale, sont plus attachés à une personne politique qu’à un programme politique au moment du vote. Dans ce sens, les deux partis d’opposition réclament un système de parfaite parité hommes-femmes, conformément aux dispositions de la Constitution. Rappelons qu’en 2015, le ministère de l’Intérieur avait retouché certaines dispositions de la loi organique 59.11 pour assurer une plus grande représentativité féminine dans les conseils locaux élus. La proportion a été portée à un peu plus de 27% au terme des élections de 2016, contre près de 12% auparavant.
Autour du mode de scrutin, celui-ci provoque une crise chronique du système de représentativité selon l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP). Dans un mémorandum présenté par l’USFP à la Commission spéciale sur le modèle de développement, le parti estime qu’il faut oeuvrer à dépasser « les effets négatifs du mode de scrutin de liste qui contribue ainsi à l’affaiblissement des institutions représentatives et à l’accroissement de la corruption électorale via l’utilisation de l’argent pour acheter les voix ou le recours à la charité ». Comme la plupart des partis politiques, l’USFP se révèle favorable au mode de scrutin uninominal qui, selon le parti, « est à même de consacrer la communication permanente et sérieuse entre les élus et les citoyens ».
En plus de la réforme des points focaux du système électoral, d’autres réformes de forme sont figurent aussi dans l’agenda des modifications proposées par l’Istiqlal, comme l’interdiction de l’usage de symboles nationaux lors des élections comme le drapeau ou l’hymne nationaux.