La propagation rapide de l’épidémie de la Covid-19 a révélé de sérieuses préoccupations concernant «l’effondrement» de la santé au Maroc, après que le ministre de la Santé Khaled Ait Taleb a reconnu que ce système était délabré et que sa restauration «prendra du temps», malgré le succès du pays à freiner la propagation du virus dans sa première vague.
Lors de sa discussion sur le budget de son ministère avec la commission des secteurs sociaux mardi au Parlement, Ait Taleb a déclaré que la principale raison de la détérioration du système de santé est le manque de concentration sur les ressources humaines, ajoutant que «s’il y avait été un consensus dessus dans le passé, nous n’aurions pas des problèmes aujourd’hui.»
Le ministre a ajouté que «le problème des ressources humaines dans le secteur de la santé conduit à une inadéquation entre les équipements et les efforts consentis (…) c’est-à-dire que les ressources humaines qui peuvent faire fonctionner ces équipements sont absentes».
Les experts estiment que le Maroc a démontré sa capacité à mettre en œuvre des mesures décisives et urgentes pendant la pandémie, alors que l’État a réussi à mobiliser ses ressources dans tous les secteurs, y compris la santé publique, pour atténuer l’impact de la propagation de l’épisode viral mais, néanmoins, le système de santé continue de souffrir de faiblesses, en plus des critiques sur la façon dont il est présenté par les services de santé, ce qui aggrave les problèmes de ce système.
À cet égard, le parlementaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP, centre gauche), Ibtisam Meraas, a averti que les citoyens ne font plus confiance aux hôpitaux et que se rendre à ces établissements est devenu «comme aller à la mort», ce qui les oblige à aller vers le secteur privé, ce qui coûte aux familles des sommes élevées.
Dans son intervention lors de la discussion du sous-budget du ministère de la Santé au sein de la commission des secteurs sociaux du Parlement, la parlementaire a déclaré que «les répercussions de l’épidémie que nous vivons aujourd’hui sont causées par l’incapacité du ministère à contrôler le virus, qui a rendu la situation encore plus douloureuse», notant qu’un certain nombre d’indicateurs indiquent l’échec du système, incarnés par le fait que 51% des Marocains s’acquittent des coûts de leurs soins médicaux, en particulier ceux qui ne disposent pas de couverture sanitaire ou de revenu stable.
Une étude de l’Institut marocain d’analyse des politiques a conclu que le succès du Maroc dans le contrôle de la propagation du coronavirus ne doit pas occulter les problèmes structurels qui continuent de limiter l’efficacité des soins de santé dans le pays.
Ait Taleb a souligné que le secteur de la santé a besoin d’une évaluation radicale, soulignant que l’image qui apparaît à distance du secteur est «sombre», mais les données et les réalisations y sont «très importantes», indiquant qu’il y a une grande pénurie de ressources humaines dans le secteur. «Nous avons besoin de 20 à 30 ans pour combler ce manque» a-t-il alerté.
Dans une étude publiée lundi, le Conseil économique, social et environnemental (institution consultative indépendante) a demandé qu’un plan national soit élaboré dans un esprit de concertation et avec la participation des acteurs institutionnels et concernés du secteur de la santé, afin de faire progresser, en quantité et en qualité, les ressources humaines nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du système de santé.
Le Conseil a noté «les répercussions de la Covid-19 et les moyens possibles de les surmonter», révélant qu’il est nécessaire de diversifier les mécanismes de financement du secteur de la santé, en particulier pendant la pandémie.
Dans ce contexte le roi Mohammed VI a ordonné au gouvernement d’accélérer la publication des textes législatifs, réglementaires et d’application relatifs à la réforme des soins de santé primaires, et de continuer à étendre l’assurance maladie obligatoire, tout en donnant une plus grande responsabilité au niveau territorial.
Dans le cadre du suivi des dépenses et de la gestion des budgets, Ibtisam Meraas avait précédemment révélé que «le ministère de la Santé a conclu des contrats avec des personnes ayant des entreprises et une présence quotidienne au sein du ministère et qui bénéficient d’accords sectoriels».
Les accords conclus par le ministère de la Santé à la lumière de la pandémie de la Covid-19 ont déclenché une vague de critiques, allant jusqu’à accuser le ministre de la Santé d’exploiter l’état d’urgence sanitaire, et le décret de conclure des marchés publics lors de la crise sanitaire, qui permet de négocier des accords, afin de passer des accords «douteux».
Khaled Ait Taleb a affirmé que tous les accords liés à la gestion de la pandémie de la Covid-19 «ont été réalisés conformément aux normes de transparence et de respect des contrôles juridiques», niant le fait qu’ils étaient entachés d’irrégularités liés à la violation de la loi encadrant les accords publics.
Les professionnels ont souligné la nécessité d’activer le Plan Santé 2025, pour atteindre un système de santé plus effectif, pour une offre de santé organisée, de qualité et accessible, portée par des programmes de santé efficaces et soutenue par une nouvelle gouvernance, dans un souci de qualité des services, d’égalité d’accès aux services, de solidarité et d’équité, outre la continuité et la proximité, la performance et l’efficience, la responsabilité et la reddition de comptes.
À cet égard, le ministre de la Santé a souligné qu’il n’est pas possible de traiter les difficultés des hôpitaux et des ressources humaines de manière distincte, mais plutôt qu’ils doivent être abordés de manière cohérente, à travers une révision radicale de ce système, car l’objectif de la réforme reste de placer le citoyen malade au centre du processus. En substance, «la préoccupation est la satisfaction des besoins des citoyens, ce qui nécessite de mettre fin à la distinction entre le secteur public et le secteur privé».