Il a fallu attendre toute une journée pour que l’opinion espagnole et internationale soit édifiée sur la présence ou non sur le sol espagnol de Brahim Ghali, chef des séparatistes du «Polisario», objet de plusieurs plaintes en Espagne pour violation des droits humains et pour crimes contre l’humanité.
L’information sur sa présence dans un hôpital à Saragosse ayant été relayée jeudi en fin de matinée, l’agence EFE, la voix officielle du gouvernement espagnol, n’a confirmé cette présence, «pour raisons humanitaires», que très tard dans la soirée, sous la pression des ONG humanitaires, des médias et de la puissance des réseaux sociaux. C’est dire la panique qui s’est emparée durant toute une journée des autorités espagnoles et de leurs homologues algériennes, qui ont tout tenté pour dissimuler cette présence. Pourquoi?
Si Madrid a enfin reconnu avoir admis Ghali pour des raisons humanitaires, pourquoi l’avoir accepté sous une fausse identité, en l’occurrence Mohamed Benbattouche. Ghali avait fui l’Espagne après le dépôt de plusieurs plaintes contre lui par plusieurs personnes qui affirment avoir été violées et torturées. Il a été admis à Saragosse sous une fausse identité pour, ni plus ni moins, contourner la justice et lui échapper.
Pendant que le bureau d’EFE à Saragosse a été muselé, celui d’Alger a relayé la version de l’Algérie et du «Polisario» niant l’hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne et soutenant sa présence dans un hôpital à Alger. Un mensonge ! Une honte !
L’AFP, généralement férue de scoops, est allée chercher la version mensongère du «Polisario» à Alger, alors que son armada de journalistes en Espagne, où se trouvait Ghali, croisait les bras et attendait les instructions de Paris. On n’a pas entendu non plus Le Monde, France24, ni Radio France International. Sous l’oeil menaçant des brodequins des généraux d’Alger, la horde, d’habitude si prompte à bondir sur tout ce qui bouge, ou ne bouge pas, au Maroc, n’a pas pipé mot. Elle s’est tue, s’est faite tout petite et regardait ailleurs. Vive la liberté de la presse et d’expression à la sauce française !
Maintenant, si Perdro Sanchez ou quelque responsable que ce soit dans l’exécutif espagnol avait préalablement donné ses assurances aux autorités algériennes sur l’impunité de Ghali, c’est qu’il aura outrepassé ses compétences et empiété sur celles du pouvoir judiciaire. Une enquête doit être ouverte et les responsables poursuivis pour rétablir les droits des victimes et sauver la démocratie espagnole malmenée, piétinée et appelée à se ressaisir face aux politiciens.
Quant à l’Algérie, c’est la débâcle totale. d’abord pourquoi n’a-t-elle pas soigné son protégé dans ses hôpitaux dont elle se targue ? Ensuite comment va-t-elle expliquer au peuple algériens la prise en charge si coûteuse des frais de Ghali, au moment où ses citoyens passent leurs journées au milieu de queues interminables pour espérer se procurer du lait et de l’huile de table introuvables en ce ramadan ? Et comment, enfin, expliquerait-elle à ses partenaires internationaux, à son opinion nationale en ébullition, sa tentative de masquer l’identité d’un homme qu’elle présentait à la face du monde comme un chef d’Etat, un militant d’une «cause juste». Un chef d’Etat que l’Allemagne et la France ont refusé d’accepter sur leur sol pour éviter le scandale espagnol.
A l’heure actuelle où Ghali est devenu encombrant, Madrid et Alger doivent se creuser les méninges pour une sortie de crise. Or, face à la mobilisation de la société civile ibérique, il semble qu’il n’aient qu’une seule issue : laisser la justice espagnole faire son travail.