Selon l’historien français Pierre Vermeren, «sur le plan politique, le mouvement du 20-Février a conduit le Maroc à se doter d’un nouveau gouvernement et d’un nouveau Parlement» mais reconnaît qu’il est mort (et que ses chances de revenir sont minimes).
«Aujourd’hui, le mouvement [du 20-Février en tant que tel n’existe plus et n’a pas débouché sur un parti politique comme il en avait été un temps question, car le mouvement n’a pas été assez puissant», constat sans appel de Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, grand spécialiste du Maghreb et des mondes arabo-berbères et historien français, formulé lors d’un entretien avec le site de la chaîne France 24.
«Le roi, Mohammed VI, a pris très au sérieux les revendications du peuple. Après s’être publiquement exprimé, il a lancé un référendum constitutionnel et des élections législatives. Sur le plan politique, le mouvement a conduit le pays à se doter d’un nouveau gouvernement et d’un nouveau Parlement. Quelques changements sur la Constitution ont également été opérés comme la reconnaissance du tamazight [langue berbère, NDLR] comme langue officielle. Cette modification a permis aux Berbères, aux islamistes et aux militants de gauche d’obtenir satisfaction. L’article 19 sur la sacralité de la monarchie a lui aussi subi quelques modifications» note M. Vermeren.
Les nombreuses protestations publiques au début des années 2010 ont eu lieu autour des questions sociales, mais force est de reconnaître que les protagonistes, les répertoires d’action et de leurs registres revendicatifs ont disparu au fil du temps. Alors que les forces politiques et les dispositifs officiels de représentation et de participation sociales continuent leur action, M. Vermeren affirme que «le mouvement contestataire n’a pas été massif» et qu’il «n’est pas né de manière spontanée, mais dans le contexte plus large des printemps arabes». «Il n’a rassemblé que 350 000 personnes dans tout le pays au plus fort de la crise» tranche-t-il.
M. Vermeren ne pense pas que le mouvement va renaître. «Sans doute pas dans le contexte actuel», indique-t-il. Un mouvement de jeunes sans affiliations partisanes, disséminés à travers l’ensemble du pays et noyauté par les islamistes d’Al-Adl wal Ihssane, et dont la trajectoire protestataire a tourné court.