Le plus grand bloc parlementaire au Liban, mené par le Hezbollah soutenu par l’Iran, devrait perdre plusieurs sièges et l’opposition réaliser une percée à l’Assemblée, selon les résultats provisoires des élections législatives qui se sont tenues dimanche sur fond de profonde crise socio-économique.
Axant sa campagne contre le Hezbollah, le parti chrétien des Forces Libanaises (FL) de l’ancien chef de guerre Samir Geagea, a engrangé des gains significatifs.
Avec 20 députés potentiels sur les 128 sièges du Parlement, cette formation, qui fait partie de la classe politique en place depuis la fin de la guerre civile il y a 30 ans, pourrait devenir le premier parti chrétien, aux dépens du Courant Patriotique Libre, du président Michel Aoun, allié du Hezbollah.
Les résultats des législatives pourraient surtout avoir un impact sur l’élection présidentielle prévue en novembre.
Allié du Hezbollah, Gebran Bassil était depuis longtemps pressenti pour succéder à son beau-père Michel Aoun, âgé de 88 ans, mais la montée en puissance des FL, lui a porté un coup.
« Nous pouvons dire que le peuple libanais a sanctionné les partis au pouvoir et nous a rejoint, en exprimant sa volonté d’un nouveau départ », a déclaré à l’AFP Marc Saad, un porte-parole des FL.
Attendus plus tard ce lundi, les résultats officiels du scrutin indiqueront si le Hezbollah, qui devrait conserver tous ses sièges chiites, pourra toujours contrôler le Parlement avec ses alliés.
Un taux de participation de 41%, inférieure aux 49% de 2018, indique que les partis traditionnels, au pouvoir pendant trois décennies, ne sont pas parvenus à mobiliser les foules, pour ce scrutin qui a connu plusieurs irrégularités, des échauffourées ou encore des cas d’intimidation d’électeurs.
La participation a été particulièrement faible dans les régions à dominante sunnite, après le retrait de Saad Hariri, principal leader politique de cette communauté, parmi les principales de ce pays multiconfessionnel régi par un système politique basé sur un partage communautaire du pouvoir.
Impact sur l’économie?
Les résultats du scrutin marqueront peut-être une percée politique historique des groupes d’opposition mais leur impact sur la situation économique désastreuse du pays est encore flou.
« L’abstention est en partie liée à la frustration face à la classe politique et le sentiment qu’aucun changement important n’interviendra concernant la situation économique », a estimé l’analyste politique libanais Karim Bitar.
L’Etat a fait défaut sur sa dette en 2020, la devise a perdu 95 % de sa valeur, le pays souffre de pénuries et aucune mesure de redressement n’a été prise.
En plus d’une profonde crise socio-économique sans précédent, le Liban a été meurtri par une énorme explosion en août 2020 au port de Beyrouth, qui a fait plus de 200 morts, des milliers de blessés et dévasté plusieurs quartiers de la capitale.
Dans ce contexte, de nouveaux groupes d’opposition, issus du mouvement de contestation déclenché en 2019 pour réclamer le départ d’une classe politique accusée d’incompétence et de corruption, ont réalisé de bons scores dans diverses régions.
« Nous voulons construire un pays même si cela prendra du temps », a déclaré Jad Abdel Karim, 32 ans, qui dit avoir voté pour montrer à la classe dirigeante traditionnelle qu’il y a d’autres forces politiques dans ce pays.
Il a voté dans le sud du Liban, fief du Hezbollah où, fait inédit, l’opposition a remporté une victoire surprise en décrochant un siège que les alliés du parti chiite conservaient depuis 1992.
Les candidats issus du mouvement de contestation laïc anti-système ont peiné à présenter des listes unifiées mais pourraient obtenir suffisamment de sièges au prochain Parlement pour se tailler une place sans précédent dans l’échiquier politique du pays.
Dix députés réformistes ou plus pourraient gêner le jeu de marchandages entre barons politiques rivaux, qui caractérise la politique libanaise depuis des décennies, et se positionner en faiseurs de roi pour la formation notamment du nouveau gouvernement qui pourrait prendre plusieurs mois.