Le juge chargé de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth l’an passé a suspendu son investigation lundi 27 septembre après avoir été notifié d’une plainte déposée contre lui par un ex-ministre soupçonné d’implication dans ce drame, a indiqué une source judiciaire à l’AFP.
Le juge d’instruction Tareq Bitar «a été notifié du recours en justice présenté par le député (et ex-ministre de l’Intérieur) Nouhad al-Machnouk» devant la cour d’appel de Beyrouth, a indiqué la source judicaire. L’explosion survenue le 4 août 2020, et imputée de l’aveu même des autorités au stockage sans mesures de précaution depuis fin 2013 d’énormes quantités de nitrate d’ammonium, a fait au moins 214 morts, plus de 6500 blessés, et dévasté des quartiers entiers de la capitale. Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités libanaises ont rejeté toute enquête internationale, avant de dessaisir en février le premier enquêteur suite à l’inculpation de hauts responsables.
Pressions politiques sur le juge Bitar
Depuis qu’il a hérité de l’affaire, le juge Bitar a convoqué quatre anciens ministres parmi lesquels trois parlementaires actuels, y compris Al-Machnouk, soupçonnés de «potentielle intention d’homicide» et de «négligence et manquements». Mais le Parlement a refusé de lever leur immunité, tandis que les pressions politiques sur l’enquêteur se sont accentuées.
Le juge «Bitar suspend son enquête et toutes les procédures liées au dossier de l’explosion (…) jusqu’à ce que la cour d’appel de Beyrouth (…) décide d’accepter le recours (d’ Al-Machnouk) ou de le rejeter», a ajouté la source judiciaire. La plainte déposée par Al-Machnouk, qui réclame le dessaisissement de Bitar de l’affaire, évoque un vice de forme, s’appuyant sur un article constitutionnel stipulant la poursuite des ministres et hauts responsables par la seule Haute Cour de Justice.
Début août, Amnesty International a accusé les autorités d’entraver l’enquête sur l’explosion de manière «éhontée» et sans scrupules. Ces dernières semaines, le juge Bitar était au cœur d’une campagne de dénigrement et l’objet d’intenses pressions, voire de menaces indirectes par certains partis au pouvoir.