Il y a un an, s’est éteint feu Hassan Lamnii ou Ba Hassan comme beaucoup de collègues, d’universitaires, d’amis et d’hommes et femmes de théâtre aimaient l’appeler. Cette pyramide des planches nationales qui est partie en silence, prenait goût à la recherche académique au point d’en être fondateur de la critique théâtrale au Maroc.
Aujourd’hui, le monde du théâtre pleure ce natif de l’ancienne médina de Meknès, professeur des générations qui a commencé, dans les années soixante, à enseigner le théâtre dans les universités marocaines, Il était également l’une des figures de proue à œuvrer pour la promotion du théâtre scolaire.
Lamnii aspirait offrir son expérience en tant que grand homme du théâtre qui a intégré l’union des écrivains du Maroc en 1968, après avoir signé des ouvrages de référence entre autres ‘’Ici le théâtre arabe’’, ‘’le théâtre et l’improvisation’’, ‘’le théâtre marocain de la création à la fabrication du spectacle’’. ‘’Le corps au théâtre’’. Les autres domaines de la création ne lui échappent pas. Dans ce registre, son livre ‘’sur l’art plastique’’ où il a dépoussiéré les univers picturaux des peintres de grand renom tels Mohammed Kacimi, était l’une des références qui ont accompagné l’évolution des arts plastiques marocains.
Admiré et respecté au Maroc comme dans le monde arabe pour ses critiques théâtrales de grande qualité, Hassan embrassait le projet de la création à Meknès d’un café littéraire et théâtral, inspiré d’un projet du même nom au cœur de Paris, qui deviendra au fil du temps un lieu de mémoire des Meknassi, un rendez-vous quotidien de l’élite culturelle de la ville et une vraie dynamique de la scène théâtrale locale. Un café littéraire qui tue la monotonie et qui dote Meknès d’un espace culturel où l’élite de la ville peut s’exprimer librement, répétait-il, à maintes reprises.
Pour lui, Meknès rumine l’amertume du vide avec pour seul endroit prisé pour la culture et le théâtre, l’Institut français. Une réalité lourde de sens d’un artiste authentique.
Le café littéraire et théâtral que voulait Lamnii est l’endroit où les hommes de lettres de Meknès et d’ailleurs éliront leur second domicile. Les libraires, les philosophes, les éditeurs, les universitaires, les étudiants, tous y ont droit de cité. Excepté les idéologues et les politiciens. Un endroit pour y échanger, y confronter les idées loin de la politique politicienne.
Les mûrs de ce café seront ornés, dans l’imaginaire de Hassan, de tableaux d’artistes-peintres locaux et nationaux, manière de nous faire sentir que la littérature et la poésie se discutent et se pensent sous les pinceaux magiques de ces peintres.
Pour l’icône du théâtre marocain et arabe, c’est dans ce café, tel qu’il est imaginé que la poésie inventera sa spécificité, le théâtre exprimera ses tonalités et la littérature se battra pour métamorphoser les bases de l’écriture.
C’est de son incessant déplacement à Paris où il fréquentait régulièrement le café de ‘’La Régence’’, que l’idée du café littéraire a pris forme dans l’imaginaire de Lamnii. C’est dans ce café que certaines sommités de la littérature française se plaisent à se rencontrer, tels Voltaire Diderot, Rousseau et autres. C’était avant tout un lieu de la sociabilité littéraire parisienne, lui confiait, lors d’un de ces déplacements, un habitué de ce café littéraire mythique, transporté en un café lugubre, pâle et sans vie.
L’idée venait à peine germer dans l’esprit de Ba Hassan que la mort l’avait déjà emporté. Qu’il repose en paix.