L’indépendantiste catalan Carles Puigdemont a déclaré, mardi 27 avril, que «l’Espagne ne tient jamais ses promesses», référence à la désastreuse méprise de Madrid d’accueillir le séparatiste Brahim Ghali dans un hôpital à Saragosse. À Rabat, on ne plus se payer d’illusions, malgré les démonstrations et toutes les apparences de bonne volonté, l’Espagne refuse de se prêter à une suspension de mesures hostiles à l’égard du Maroc.
Installé à Bruxelles avec une partie de son gouvernement, l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, qui a déclaré sa volonté d’«expliquer au monde les défaillances démocratiques de l’Etat espagnol», pensait à demander en 2017 l’asile politique au Maroc avant que le gouvernement d’El Otmani ne s’y oppose, pour éviter une brouille avec les autorités espagnoles. Carles Puigdemont avait déclaré qu’il ne rentrerait pas en Espagne sans l’assurance de bénéficier d’un procès impartial, accusant Madrid de nourrir un «désir de vengeance» à son endroit. Au moment où le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita avait convoqué l’ambassadeur espagnol pour exprimer «une incompréhension et une exaspération» et «demander des explications», après l’accueil en Espagne du secrétaire général du Polisario, Brahim Ghali, Rabat repense au cas Carles Puigdemont. «La question est maintenant de savoir si l’Espagne trouvera dans toutes les ressources morales et diplomatiques dont elle dispose les moyens d’empêcher la propagation d’un incendie négligemment allumé, imprudemment entretenu : l’hospitalisation clandestine et non annoncée de Brahim Ghali sur son territoire» indique une source proche du dossier.
Asile politique à Puigdemont?
Au Maroc, la presse ne décolère pas, et réclame qu’une instruction de l’Audience nationale espagnole, juridiction spécialisée dans les dossiers complexes, convoque Brahim Ghali, accusé de génocide. «Rabat a eu la magnanimité de ne pas profiter de l’anarchie liée au événements en Catalogne pour avoir affaire avec cet homme que l’Espagne considère comme en ennemi, et voilà en quelle monnaie en est payée» s’indigne une source à Barlamane.com. Carles Puigdemont, président indépendantiste de la région de Catalogne lors de la tentative de sécession de 2017, destitué par le gouvernement central, avait fui en Belgique pour échapper aux poursuites pour rébellion lancées par la Cour suprême. Le Maroc, option que M. Puigdemont avait en tête, a assuré que toute démarche relative à ce dossier sera décidée en concertation avec les autorités espagnoles. En parallèle, l’annonce de l’hospitalisation de Ghali à Saragosse est décrite comme un coup de poing au dos. Des médias marocaines dénoncent «les petites complicités criminelles entre Madrid et Alger aux dépens de la justice espagnole». «Cela ressemble à un banditisme d’État», a-t-on affirmé. «Ce n’est pas la première fois que la santé publique espagnole accueille des dirigeants sahraouis malades. En avril 2018, Ahmed Boukhari, représentant du Polisario auprès des Nations Unies, est décédé à Biscaye, une province du Nord de l’Espagne. À peine deux ans plus tard, Mohamed Khadad, chef des relations internationales du mouvement séparatiste, est décédé à Madrid» rappelle Ignacio Cembrero, collaborateur d’El Confidencial.
Poursuivi aussi pour détournements de fonds, Carles Puigdemont voyageait pour tenter d’internationaliser son combat. Le dirigeant indépendantiste, avant de tenter de déplacer la crise catalane «au cœur» de l’Europe en annonçant son installation à Bruxelles malgré la colère de Madrid contre les autorités belges, avait songé un moment au Maroc comme une destination pour poursuivre son combat politique. «La politique extérieure marocaine est une affaire de mesure et de prévoyance, et aujourd’hui plus que jamais la première condition de l’efficacité de cette politique est la paix, la sécurité à l’intérieur, loin de la mise en scène, le coup de théâtre. Voilà ce qu’oublient ceux qui se plaisent à créer des conflits dans un contexte qui reste néanmoins toujours précaire» ont signalé des sources à Barlamane.com
Affinités douteuses entre l’Espagne et le Polisario
Le ministère espagnol des Affaires étrangères avait souligné jeudi que le chef du Polisario avait été «transféré en Espagne pour des raisons strictement humanitaires afin de recevoir des soins médicaux». Mais au Maroc, l’idée que l’Espagne soit assiégée de défaillances dans l’action de ne pas compromettre les relations avec le Maroc devient plus claire. «Il est absurde de voir Madrid prendre une part quelconque à l’activité politique des ennemis du Maroc sans accepter comme point de départ le respect de la légalité et des relations bilatérales» affirme une source proche du dossier. «Une bonne diplomatie ne se soutient pas longtemps par des procédés immoraux, ni même simplement amoraux. Madrid doit sortir de l’expectative, faire avec plus d’ensemble et de résolution ce qu’elle n’a fait qu’incomplètement avant cette crise : couper définitivement les ponts avec les séparatistes du Polisario», pointe la même source.