Le problème, ce n’est pas la non-enquête de Forbidden Stories, qui a fait en sorte que le vrai et le faux se trouvent amenés à la lumière dans la même proportion, ni le fait de voir une ONG travailler, en définitive, à disséminer des suppositions ardentes, partiales, et même injurieuses ou ineptes sur la réalité marocaine. Le problème, c’est de voir Forbidden Stories tenter de réhabiliter un homme condamné pour viol en lui attribuant des investigations qu’il n’a pas menées.
Les potaches ont bien une presse ! Les banalisations inacceptables aussi. «Dans la première affaire, une ex-collègue du journal Le Desk l’accuse de l’avoir violée, en juillet 2020. Lui conteste les faits, parlant d’une relation consentie» : Oui, on ne rêve pas, c’est exactement le résumé, en deux petites lignes, qu’a fait Forbidden Stories de l’affaire de viol qui pèse sur Omar Radi, au moment où les affaires sur les femmes victimes de violences sexuelles secouent le landerneau politique français. Forbidden Stories n’a même pas pris la peine de parler à la victime d’Omar Radi, tandis qu’elle déroule le tapis rouge à son agresseur, condamné à six ans de prison dans une double affaire d’«espionnage» et de «viol».
«Incarcéré pour des délits de pensée. Le viol, c’est du pipeau». On caricature presque. Entre Omar Radi et Patrick Poivre d’Arvor par exemple, entendu une nouvelle dans le cadre d’une enquête ouverte pour viols et agressions sexuelles où au moins sept femmes ont témoigné, la différence est criarde.
Qui est le fondateur de Forbidden Stories ? Laurent Richard, cumulard de toutes les bêtises, auteur d’une enquête très controversée sur la pédophilie infantile en France, qui lui a valu une sévère mise en demeure : «On ne confond pas son rôle de journaliste avec celui du policier». Pour la hauteur intransigeante du journalisme, on repassera. Nulle leçon à recevoir de ceux qui ne repoussent jamais les occasions de réclame et les douteux honneurs des enrégimentements.
L’enquête diffusée par Forbidden Stories est à la réalité une non-enquête. L’affaire des Ouled Sbita a été largement traitée au fil des années, il suffit d’une petite recherche sur Google pour s’en apercevoir. Omar Radi n’amplifie que des faits suggestifs avec des documents volés. Il sera visible à tout esprit tant soit peu renseigné qu’il y a un écart sensible entre l’authenticité réelle de certains faits et la vérité, sacrifiée par les incidents de la polémique.
Depuis que la presse française s’est résignée à s’occuper du Maroc, s’en faisant le juge avec une audace que lui donne l’habitude des ordinaires potins, on assiste à un acharnement en règle contre les institutions du royaume. Nulle documentation rigoureuse, nulle méthode d’investigation, mais un système qui sent le souffre, dont on ne peux se dissimuler l’insuffisance, et, à certains égards, la partialité et la malhonnêteté.
Cette non-enquête a été publiée quelques heures après que le parquet de Lille a ouvert une enquête préliminaire contre Adrien Quatennens, député très en vue de gauche, pour violences conjugales. «Le parquet décide régulièrement de diligenter une enquête nonobstant l’absence d’audition initiale de la victime lorsque les faits paraissent graves ou de nature à se reproduire», a précisé le parquet, ajoutant que pour «le bon déroulement de l’enquête, il apparaît indispensable que celle-ci se tienne à l’écart de la scène médiatique».
Adrien Quatennens, persécuté pour ses idées anti-Macron ? Allons…
Dans l’affaire de viol concernant Omar Radi, son complice, Imad Stitou, 33 ans, a été condamné à un an de prison, dont six mois ferme pour «non-assistance à personne en danger». Poursuivi en état de liberté au cours de l’instruction, il a préféré fuir le Maroc pour la Tunisie avant le verdict final. Les peines des deux journalistes ont été assorties d’un dédommagement de 200 000 dirhams à la partie civile, avec une contribution à hauteur d’un tiers pour Imad Stitou. En attendant, Hafsa Boutahar panse lentement ses blessures.
Augurer que les anathèmes qu’édite à l’ordinaire Forbidden Stories puissent produire un quelconque cataclysme semblerait paradoxal. Ceux qui s’époumonent à hurler contre les institutions marocaines, sous prétexte que défendre leurs intérêts et autres fariboles, connaissent mal la résilience du Maroc face aux tempêtes d’ignorance et des ressacs d’un déchaînement aux relents néocoloniaux.