Les alliés européens de l’OTAN s’attendent à une opération de charme du nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken lors de leur première rencontre mardi, mais ils doutent d’en savoir plus sur le désengagement des Américains en Afghanistan et leurs priorités stratégiques.
«Nous n’avons pas encore arrêté notre position en Afghanistan. Je viens partager certaines de nos réflexions et consulter les alliés», a-t-il déclaré lors de son premier point de presse à son arrivée au siège de l’Alliance à Bruxelles.
«Est-ce que nous restons après le 1er mai ou est-ce nous partons ? Nous ne savons pas ce que nous allons faire et c’est un problème», a déploré un ministre européen auprès de l’AFP sous couvert de l’anonymat.
Une décision était attendue pour la réunion des ministres de la Défense de l’Alliance le 17 février, mais elle a été différée dans l’attente d’un résultat des négociations sur un accord de paix en Afghanistan.
Un arbitrage devient urgent pour «Resolute Support», la mission de formation de l’OTAN en Afghanistan, car l’accord conclu avec les talibans par l’administration de l’ex-président américain Donald Trump prévoit le départ de toutes les troupes étrangères le 1er mai.
Le président Joe Biden a reconnu la semaine dernière qu’il serait «difficile» pour Washington de respecter cette échéance. Les talibans ont averti que les États-Unis seraient «responsables des conséquences».
L’OTAN est en Afghanistan depuis presque 20 ans, mais a réduit sa présence, passée de 130 000 militaires de 36 pays engagés dans des opérations de combat à 9600 aujourd’hui, dont 2500 Américains et 1600 Allemands, chargés de la formation des forces afghanes.
L’Afghanistan est le premier sujet à l’ordre du jour de la réunion des ministres des Affaires étrangères qui va commencer mardi à midi et durer deux jours.
Elle se déroule en présentiel pour la première fois depuis le début de la pandémie il y a un an, alors que le virus continue de frapper durement les pays européens.
Le secrétaire d’État américain a prévu de nombreux entretiens bilatéraux avec ses homologues. Celui avec l’Allemand Heiko Maas pourrait être difficile en raison de l’opposition affichée des États-Unis au projet de gazoduc Nord Stream 2 entre l’Allemagne et la Russie. «Je vais le redire à mon homologue», a annoncé Antony Blinken.
«Éléphant dans la pièce»
Les Européens souhaitent aborder de manière franche plusieurs sujets difficiles, notamment le comportement de l’allié turc avec ses achats militaires à la Russie.
«Les discussions sur la Russie sont compliquées par la Turquie. C’est un peu l’éléphant dans la pièce», a souligné un diplomate européen de l’Alliance.
«Mais les Américains ne sont pas encore prêts à aborder la question», a estimé le ministre européen.
Le secrétaire général de l’OTAN, le Norvégien Jens Stoltenberg, s’est toutefois dit « préoccupé » par les achats d’armes de la Turquie à la Russie et par les violations des droits démocratiques.
Rassurés par la volonté du président Joe Biden de mettre un terme aux décisions unilatérales des États-Unis, les Européens attendent des Américains «de la prévisibilité, de la fiabilité et des consultations», a plaidé le diplomate européen.
Certains des Européens ne se font toutefois pas beaucoup d’illusions. «Biden est un peu plus doux, mais ses objectifs restent les mêmes, notamment sur le partage des dépenses de défense. Il n’y a pas de changements sur le fond» avec Donald Trump, a estimé le ministre européen.
Le chef de la diplomatie française Jean-Yves le Drian va insister sur «l’importance de fixer des objectifs réalistes permettant aux nations de continuer d’investir dans leurs capacités de défense et d’agir concrètement sur le terrain pour le renforcement de notre sécurité commune».
Les alliés se sont engagés à consacrer 2 % de leur PIB aux dépenses de défense pour 2024. Onze, dont la France, ont atteint cet objectif en 2020.
Mais l’objectif de la réunion avec Antony Blinken n’est pas d’attiser les tensions, a assuré le diplomate européen.
Les consultations doivent préparer le terrain pour le premier sommet de l’Alliance de Joe Biden qui pourrait se tenir en juin, en même temps que le Sommet du G7, si les conditions sanitaires le permettent, ont expliqué les deux interlocuteurs de l’AFP.