L’Algérie est en train de succomber à l’appel des hirondelles de l’obscurantisme. Un régime politique en crise de légitimité, une richesse financière source de toutes les convoitises et une classe dirigeante politique corrompue, tandis que les partis politiques sont dénués de projets mobilisateurs. Climat idéal pour une montrée des extêmes.
«Un islamologue algérien, Saïd Djabelkhir, comparaît le 1ᵉʳ avril devant la justice de son pays pour atteinte aux préceptes de l’islam et aux rites musulmans». Un autre universitaire et un collectif d’avocats lui reprochent plusieurs publications Facebook qu’ils jugent offensantes» écrit Le Figaro.
Interviewé par le quotidien, Saïd Djabelkhir affirme que «c’est la première fois dans l’histoire de l’Algérie qu’un universitaire est poursuivi pour avoir donné son avis dans son propre domaine de compétence. D’habitude, les gens qui sont poursuivis sont des militants, ou des jeunes qui publient sur les réseaux sociaux, mais pas des spécialistes de l’islam».
En Algérie, la radicalisation du régime est confrontée à la mobilisation populaire du Hirak, à la persistance de multiples mouvements sociaux organisés (grèves dans tous les secteurs d’activité publics et privés qui font face à une crise sans précédents) et spontanés (des centaines de micro-émeutes dans tout le pays quotidiennement). Un autre danger qui rampe : la mainmise des avis extrêmistes.
«Les fondamentalistes souhaitent intimider tous les intellectuels qui ont l’audace d’avoir des avis qui sortent un peu de l’orthodoxie, de la doxa qu’on a l’habitude d’écouter sur les chaînes de télévision ou dans les prêches dans les mosquées. Ils essayent d’étouffer la liberté d’expression par tous les moyens, y compris en ayant recours à la justice» alerte Saïd Djabelkhir.
En Algérie, alors le FLN s’active encore sur la fibre du nationalisme révolutionnaire, le FIS (islamiste), entre autres, a investi le créneau du religieux, et chaque sujet devient un conflit interne de haute intensité, aux conséquences dévastatrices en termes de déstructuration intellectuelle et sociale. «La violence, l’exclusion, le refus de l’altérité et du débat, tout cela est monnaie courante. L’obscurantisme gagne de plus en plus de terrain, c’est la réalité. Sur le plan des idées rien n’a changé depuis les années 1990: les programmes scolaires sont les mêmes, il n’y a rien qui encourage le débat, le vivre-ensemble, l’acceptation de la différence. Rien n’exclut que les événements ne se répètent. Nous n’avons rien fait pour en éliminer les causes. Elles vivent toujours dans notre quotidien, dans nos médias, et même dans le discours religieux» regrette Saïd Djabelkhir.
En Algérie aussi, une partie des démocrates luttent contre les partis jugés réactionnaires ; le régime se luttent contre les groupes terroristes et les républicains luttent, par la plume et sur le terrain, contre la répression du régime autoritaire et le totalitarisme des islamistes radicaux. Un sombre tableau se profile et le Hirak est le seul espoir : «le Hirak a eu en tout cas un mérite: les Algériens commencent à comprendre que leurs problèmes ne peuvent pas être résolus en dehors du débat contradictoire et non-violent. Et c’est déjà un grand pas en avant.»