Le rapport 2023 de la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde (URSCIF, United States Commission on International Religious Freedom) paru cette après-midi sur son site révèle qu’en 2022, les conditions de la liberté religieuse en Algérie sont restées mauvaises. Les prisonniers politiques faussement condamnés pour blasphème sont pléthore également.
Depuis qu’il a entamé sa campagne de fermeture forcée des églises évangéliques en 2017, le gouvernement algérien n’a fait preuve d’aucun engagement significatif pour améliorer les conditions de la liberté religieuse au cours des cinq dernières années, déplore l’URSCIF.
Les autorités gouvernementales ont continué à fermer des églises par la force et à poursuivre des membres de communautés minoritaires musulmanes et non musulmanes pour blasphème, prosélytisme et culte non autorisé. Le gouvernement algérien a également continué à refuser à plusieurs groupes religieux minoritaires les autorisations nécessaires pour pratiquer leur culte collectivement, notamment l’Association protestante évangélique (EPA) et la communauté musulmane Ahmadie.
Le rapport 2023 de l’USCIRF dénombre les fermetures de lieux de cultes, les personnes arrêtées ainsi que les amendes reçues.
En 2022, le wali (gouverneur) de Tizi Ouzou a entamé une procédure de fermeture d’au moins quatre églises dans cette province, ce qui porte à 21 le nombre total d’églises de l’EPA fermées par le gouvernement. Les membres de la société civile algérienne rapportent que le gouvernement a encouragé les églises individuelles à s’enregistrer en dehors de l’EPA dans le but de diviser la communauté grandissante.
Les autorités ont arrêté le principal dirigeant de l’EPA, le pasteur Salaheddine Chalah, en novembre 2021, à la suite de la décision du gouvernement américain d’ajouter l’Algérie à sa liste de surveillance spéciale pour avoir gravement violé la liberté de religion. D’autres dirigeants de l’EPA auraient fait l’objet de harcèlement au même moment, notamment de surveillance et de perquisitions par des représentants du gouvernement. En mars, un tribunal de Tizi Ouzou a reconnu M. Chalah coupable d’avoir « pratiqué un culte sans l’autorisation préalable de la Commission nationale du culte non musulman » et d’avoir « appelé à travers les médias sociaux à la désobéissance aux lois par un ecclésiastique », le condamnant à 18 mois de prison et à une amende de 1 400 dollars. Le gouvernement a accusé Chalah d’être un « ecclésiastique » tout en refusant d’enregistrer l’EPA en tant qu’organisation religieuse, ce qui témoigne d’une politique de deux poids deux mesures de la part du gouvernement à l’encontre de l’EPA, condamne l’URSCIF.
Les autorités ont condamné Mohamed Derrab, un chrétien converti, à 18 mois de prison pour prosélytisme, tout en poursuivant le pasteur Hamid Boussadi pour prosélytisme et organisation d’un culte sans autorisation. En septembre, le gouvernement algérien a demandé à Caritas, une organisation non gouvernementale de développement affiliée à l’Église catholique, de cesser ses activités dans le pays, en raison, semble-t-il, de ses prétendues influences étrangères.
Dans un contexte où le gouvernement a la fâcheuse habitude de porter atteinte à la liberté de religion, puis de justifier son action par la nécessité de se protéger contre les influences étrangères, cette affaire soulève des inquiétudes et envoie un signal d’alarme pour l’avenir, prévient l’URSCIF.
Les prisonniers politiques sous fausses accusations religieuses existent également.
Plusieurs musulmans sont toujours détenus pour blasphème, notamment les membres de l’opposition politique Yacine Mebarki et Walid Kechida, ainsi que l’universitaire Said Djabelkhir. Selon les médias locaux, au moins un autre musulman, dont le nom n’a pas été révélé, a été accusé de blasphème en 2022. En juin, un tribunal de Béjaïa a inculpé 18 musulmans ahmadis de blasphème et de participation à un groupe non autorisé, et a placé trois membres du groupe en détention. En décembre, Abdul Ghani est devenu le sixième musulman ahmadi à être condamné à une peine de prison de plusieurs années, le juge accusant la communauté musulmane ahmadie de constituer une « menace pour la sécurité nationale » et une menace pour l’école de pensée traditionnelle malékite de l’Algérie. Les défenseurs des droits de l’homme estiment que plus d’une centaine d’Ahmadis sont poursuivis, la plupart d’entre eux pour « culte non autorisé » dans le contexte de l’absence d’enregistrement du groupe religieux.
L’Algérie, rappelle l’URSCIF, a une longue histoire de répression et de persécution des minorités religieuses, notamment à l’encontre des juifs, des personnes pratiquant la foi bahaïe, des chrétiens protestants et des musulmans ahmadis. Bien que la Constitution algérienne accorde à tous les Algériens le droit à la liberté d’opinion et de culte, le gouvernement limite la libre expression et la pratique des croyances en appliquant des lois qui favorisent une interprétation particulière de l’islam et restreignent les activités religieuses. Le code pénal et le code de l’information algériens criminalisent le blasphème, avec des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et des amendes. Le code pénal algérien censure également les publications en interdisant les contenus « contraires à la morale islamique ».
Le rapport de l’URSCIF souligne qu’en vertu de l’ordonnance 06-03, adoptée en 2006*, le gouvernement algérien exige que toutes les organisations non musulmanes s’enregistrent auprès du département des affaires non musulmanes pour pouvoir mener des activités et établir des lieux de culte. La procédure d’enregistrement opaque et mal appliquée, crée une incertitude juridique pour certaines communautés religieuses non musulmanes, que le gouvernement exploite pour réprimer et poursuivre les minorités religieuses. L’ordonnance 06-03 criminalise également le prosélytisme des non-musulmans, avec des peines allant jusqu’à cinq ans de prison et une amende maximale de 8 347 dollars (un million de dinars).
Le 30 novembre, le département d’État a maintenu l’Algérie sur sa liste de surveillance spéciale en raison de graves violations de la liberté de religion. L’URSCIF rappelle que plusieurs hauts fonctionnaires américains se sont rendus en Algérie en 2022, notamment le secrétaire d’État Antony J. Blinken, la secrétaire d’État adjointe Wendy R. Sherman et une délégation interinstitutionnelle comprenant des représentants du département d’État, du département de la Défense et du Conseil de sécurité nationale. Les discussions ont porté sur les droits de l’Homme et la liberté religieuse, ainsi que sur la stabilisation et l’aide au développement.
Les États-Unis sont l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Algérie, et les échanges professionnels jouent un rôle important dans le renforcement du partenariat entre les États-Unis et l’Algérie en matière de respect de la loi et de la sécurité, tant au niveau des dirigeants qu’au niveau opérationnel.
En vertu des partenariats qui lie les deux pays et de la liberté religieuse internationale, l’URSCIF recommande au gouvernement américain de :
■ Maintenir l’Algérie sur la liste de surveillance spéciale pour avoir commis ou toléré de graves violations de la liberté religieuse, conformément à la loi sur la liberté religieuse internationale (IRFA) ;
■ Conclure un accord avec le gouvernement algérien et lui fournir un soutien financier et technique afin de l’obliger à prendre des mesures substantielles pour remédier aux violations de la liberté de religion, y compris, mais sans s’y limiter, à :
■ Décriminaliser le blasphème et le prosélytisme et libérer les personnes détenues pour blasphème et prosélytisme ;
■ L’enregistrement de l’EPA et de la communauté Ahmadie en tant qu’organisations religieuses non musulmanes et musulmanes, respectivement ;
■ Rouvrir les églises fermées et scellées et travailler de bonne foi avec les membres de l’EPA pour remédier aux violations du code de la santé et de la sécurité qui subsistent ; et
■ Demander aux représentants de l’ambassade des États-Unis d’assister (aux) et d’observer les procédures judiciaires relatives à des accusations de blasphème ou à des affaires liées à des lieux de culte, afin de souligner les préoccupations du gouvernement des États-Unis à ce sujet.
Le Congrès américain devrait :
■ Continuer à évoquer la mise en œuvre des lois sur le blasphème et la fermeture des lieux de culte avec le Département d’État américain et les homologues algériens concernés afin de s’assurer que les préoccupations en matière de liberté religieuse sont intégrées dans les relations bilatérales entre les États-Unis et l’Algérie.
* La loi algérienne réglemente la religion et les croyances par le biais de plusieurs mécanismes juridiques, notamment le code pénal algérien et l’ordonnance 06-03 relative à la réglementation des organisations non musulmanes. Certaines de ces dispositions, notamment les lois sanctionnant le blasphème, le prosélytisme et les activités religieuses non enregistrées – toutes passibles d’emprisonnement et d’amendes – sont incompatibles avec les protections juridiques internationales en matière de liberté de religion, pointe l’URSCIF.