L’Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) a transmis, au cours de l’année 2023, un total de 71 dossiers aux procureurs du roi auprès des tribunaux de première instance de Rabat, Casablanca, Fès et Marrakech, ainsi qu’au procureur général du roi près la cour d’appel de Rabat dans le cadre de délits liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Cette activité connaît une augmentation notable, avec une hausse de 31,48 % du nombre de dossiers transmis à la justice par rapport à l’année précédente.
Principaux types d’infractions recensées
Les affaires transmises ont majoritairement concerné des actes de falsification ou de contrefaçon de relevés bancaires, de moyens de paiement ou de divers documents, représentant 38 % des cas portés devant les juridictions compétentes. Une proportion équivalente concerne les affaires de fraude et d’escroquerie, tandis que d’autres formes de blanchiment d’argent, incluant les paris sportifs, la vente pyramidale ou encore les cryptomonnaies, commencent à émerger.
En 2023, l’ANRF a reçu 5 777 déclarations de soupçon liées à des infractions de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, marquant une progression constante depuis les 1 088 déclarations enregistrées en 2018. Rien qu’entre 2022 et 2023, le nombre de déclarations a augmenté de 10,93 %, témoignant d’une interaction renforcée entre l’ANRF, les autorités de supervision et de contrôle, ainsi que les entités assujetties à cette obligation.
Les cas de blanchiment d’argent ont représenté 5 739 déclarations, en hausse de 10,98 % par rapport à l’année précédente. En parallèle, 38 déclarations concernaient spécifiquement des soupçons de financement du terrorisme. Depuis 2018, les déclarations de soupçon liées au blanchiment d’argent ont progressé de manière spectaculaire, enregistrant une hausse de 441,93 %.
Secteurs contributeurs aux déclarations de soupçon
Le secteur bancaire reste le principal pourvoyeur de déclarations, avec 44,82 % des signalements en 2023, suivi par les institutions de paiement, qui représentent 19,56 %. En outre, le secteur non financier a montré un engagement croissant, avec une hausse de 44 % des déclarations issues des professions et activités non financières assujetties. Cette progression reflète l’efficacité des campagnes de formation et d’accompagnement menées auprès de ces acteurs.
Conformément à l’article 22 de la loi n°43.05 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent, l’ANRF a reçu 48 déclarations spontanées de la part de partenaires nationaux, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2022. La Présidence du ministère public figure en tête des entités déclarantes, suivie par le ministère des affaires étrangères, le Bureau de change, la Direction générale des douanes et impôts indirects, l’Autorité marocaine du marché des capitaux, Bank Al-Maghrib, l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale, ainsi que des entités juridiques et d’autres organismes.
Analyses et demandes d’enrichissement des dossiers
Au cours de l’année écoulée, l’ANRF a envoyé 51 requêtes à divers partenaires pour étoffer l’analyse et l’étude des dossiers traités. Ces requêtes ont été principalement adressées à l’Agence nationale de la conservation foncière (66,67 %), au Bureau marocain de la propriété industrielle et commerciale (19,61 %), aux entités privées soumises au droit commun (9,80 %) et au Bureau de change (3,92 %). L’autorité bénéficie également d’un accès direct à plusieurs bases de données stratégiques, telles que celles de l’administration des douanes, le registre public des bénéficiaires effectifs, la base centrale des comptes bancaires de Bank Al-Maghrib, et d’autres registres commerciaux.
L’ANRF a reçu 972 demandes d’informations de la part des autorités chargées de l’application de la loi, portant sur des enquêtes financières parallèles concernant des affaires de blanchiment d’argent, des infractions sous-jacentes et des actes de terrorisme ou de leur financement. En retour, elle a émis un total de 222 359 demandes aux entités assujetties afin de compléter les dossiers en cours de traitement, marquant une hausse impressionnante de 280 % par rapport à l’année précédente.
Le rapport annuel 2023 de l’ANRF met en lumière des progrès significatifs dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme au Maroc. Ces avancées s’appuient sur une coopération renforcée avec les acteurs nationaux, des mécanismes d’échange d’informations performants, et une mobilisation accrue du secteur financier et non financier, selon le rapport. L’émergence, toutefois, de nouvelles pratiques criminelles telles que l’utilisation des cryptomonnaies ou les paris sportifs appelle à une vigilance accrue et à un renforcement des dispositifs de contrôle.