La mort de l’ancien général, président de 1968 à 1991, survient alors que le pays vient de connaître son quatrième coup d’Etat depuis l’indépendance.
Moussa Traoré, à la tête du Mali de 1968 à 1991 avant d’être renversé par un coup d’Etat militaire, est décédé mardi à l’âge de 83 ans, a-t-on appris auprès de sa famille. «Moussa Traoré est décédé ce jour à 12 h 05 chez lui à Bamako. Nous sommes vraiment en deuil», a déclaré son neveu Mohamed Traoré. Il n’a pas précisé les causes du décès de l’ancien général qui, condamné à mort à deux reprises après sa chute, avait dit être, en tant que militaire, «préparé à l’idée de ne pas mourir dans son lit».
Moussa Traoré, alors lieutenant, avait été le principal promoteur du coup d’Etat du 19 novembre 1968 qui avait renversé le président Modibo Keïta, au pouvoir depuis l’indépendance en 1960. Il était devenu président de la République un an plus tard et aura exercé un pouvoir quasiment sans partage pendant plus de vingt-deux ans.
Lui-même fut déposé le 26 mars 1991 par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré. Après une période de transition, la démocratie fut restaurée en 1992 avec l’élection d’Alpha Oumar Konaré en 1992.
Sa disparition survient dix jours avant son 84e anniversaire et sept jours avant celui de la proclamation de l’indépendance du Mali. Il intervient aussi alors que son pays, plongé depuis des années dans une profonde crise sécuritaire, économique et politique, vient de connaître son quatrième coup d’Etat depuis l’indépendance et cherche à grand-peine les suites à donner au putsch du 18 août.
Condamné à mort à deux reprises
Né le 23 septembre 1936 à Sébétou dans la région de Kayes (sud-ouest), Moussa Traoré était le fils d’un soldat de l’armée française, dans laquelle il s’est engagé lui-même en 1954. Il sert en Guinée, en France, en Mauritanie ou au Sénégal. Admis en 1960 à l’école d’officiers de Fréjus en France, il sort major de sa promotion, est nommé lieutenant dans l’armée malienne en 1964, puis instructeur de l’école interarmes de Kati jusqu’en 1968, année du coup d’Etat. Il sera promu colonel en 1971, général sept ans plus tard.
Les années Traoré à la tête du Mali sont marquées par les arrestations d’opposants, la répression des manifestations, les décès suspects comme celui de l’ancien président Modibo Keïta en détention, ainsi que les accusations de détournement, de l’aide internationale par exemple, qui rattraperont M. Traoré.
Il préside le Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (1980-83), puis l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1988-89. Il joue un rôle important dans les crises sénégalo-mauritanienne et tchado-libyenne, ainsi qu’entre les parties belligérantes au Liberia.
En janvier 1990, il obtient un accord de paix avec la rébellion armée des Touaregs du Mali, auxquels il consent d’importantes concessions. Mais en mars 1991, les militaires qu’il avait envoyés contre les manifestants prodémocratiques se retournent contre lui et le renversent au cours d’une sanglante insurrection, qui fait officiellement plus de deux cents morts et un millier de blessés. L’autocrate est alors emprisonné.
Le 12 février 1993, il est condamné à mort pour «crimes de sang». Le président Alpha Oumar Konaré, «hostile à la peine de mort» et désireux que «Moussa Traoré et ses amis vivent le plus longtemps possible pour qu’ils voient la démocratie fleurir au Mali», empêche son exécution. Sa peine est commuée en détention à perpétuité en décembre 1997. Mais il doit encore répondre de «crimes économiques», pour lesquels il est à nouveau condamné à la peine capitale en 1999. Il est gracié en 2002. «Quand on a embrassé une carrière militaire, on s’est préparé à l’idée de ne pas mourir dans son lit», avait-il dit en entendant son premier verdict en 1993.
Ces dernières années, Moussa Traoré était devenu une sorte de vieux sage que les politiciens allaient consulter.