Le Foreign policy research institute, think tank américain de politique publique, a publié le 2 septembre une analyse qui compare la politique américaine à l’égard de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie.
Selon cette analyse, si le Maroc est considéré comme un allié américain de longue date, l’Algérie , en revanche, reste méconnue pour Washington.
Le Maroc, un allié américain de longue date
Le Maroc est un allié américain de longue date, bien que le royaume ait tendance, selon l’auteur, à « jouer toutes les cartes diplomatiques » : techniquement non-aligné malgré un rapprochement avec l’Occident, et soutenant la Palestine malgré de bonnes relations avec Israël. Pour Foreign policy, les États-Unis devraient être moins intransigeants et accepter qu’un pays puisse avoir à la fois des relations avec les États-Unis et des relations avec la Russie ou la Chine, sans que cela ne constitue nécessairement un problème.
Les relations commerciales entre le Maroc et les États-Unis ont également renforcé l’entente entre les deux pays, avec un accord de libre-échange entre les deux pays signé en 2004. Du côté de la lutte antiterroriste aussi, le Maroc a été un allié important des États-Unis et désigné allié majeur hors Otan en 2004.
Des points de tension existent cependant, au sujet notamment de la question du Sahara occidental. Washington n’a pas reconnu le territoire comme faisant partie du Maroc mais ne s’est pas non plus opposé aux prétentions marocaines à son égard, constate le think tank.
Le reste des pays occidentaux adopte intentionnellement, selon le think tank, le même type de position vague au sujet du Sahara occidental, en vue de préserver l’alliance avec le Maroc en matière de lutte contre le terrorisme et l’immigration illégale. En particulier, l’attrait exercé par l’État islamique sur les marocains incite les Américains à renforcer cette coopération.
L’Algérie, un pays méconnu par Washington
Pour ce qui est de l’Algérie, l’auteur affirme que ce pays reste pour le gouvernement américain un pays méconnu dont les changements politiques internes continuent de recevoir une attention minimale. Elle explique que la conception américaine des trois pays trouve ses origines dans une représentation construite pendant la Guerre froide : le Maroc et la Tunisie ayant été des alliés américains tandis que l’Algérie se positionnait parmi les pays non-alignés.
De plus, après les indépendances, les États-Unis ont envisagé l’Algérie, le Maroc et la Tunisie à travers le même prisme que le Moyen-Orient. L’opposition du Maroc de Hassan II et de la Tunisie de Bourguiba au panarabisme, ainsi que les relations relativement favorables du Maroc avec Israël ont contribué à faire de ces deux pays des alliés modérés des États-Unis, tandis que l’Algérie affichait une proximité idéologique avec le panarabisme de Nasser et une opposition à Israël.
Perçue comme « implacable et inconnaissable », l’Algérie n’a été étudiée par les Américains qu’en fonction des besoins à un moment donné.
Pourtant, rappelle l’auteur, l’Algérie et les États-Unis ont eu leurs moments de proximité, avec par exemple le soutien du président Kennedy à l’indépendance algérienne en 1959, le soutien algérien à la libération des otages américains en Iran en 1981 et la médiation algérienne entre l’Éthiopie et Érythrée, ainsi qu’entre le Mali et les séparatistes Touareg avec les accords d’Alger en 2006.
À présent, les intérêts géostratégiques et économiques des États-Unis devraient les conduire à tisser des liens plus forts avec l’Algérie, en particulier depuis la résurgence de groupes armés tels que Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), Boko Haram, et autres groupes prêtant allégeance à Daesh dans la région du Maghreb et du Sahel.
L’Algérie, un allié précieux pour le maintien de la sécurité
Mais la relation entre les États-Unis et l’Algérie demeure difficile à établir, avec une politique étrangère algérienne nationaliste et non-alignée qui met en avant la souveraineté nationale et la non-intervention et qui soutient les volontés d’indépendance.
Les États-Unis perçoivent l’attitude de l’Algérie comme étant de l’hostilité et voient d’un mauvais œil les achats d’armes algériens à la Russie, alors que l’État algérien manifeste quant à lui de la méfiance à l’égard des visées hégémoniques américaines dans la région. Aussi, contrairement au Maroc et à la Tunisie, l’Algérie n’ouvre-t-elle guère la porte à l’aide et aux organisations de développement américaines – dont elle estime ne pas avoir besoin, compte tenu de l’importance de ses ressources naturelles.
Par contraste, au Maroc et en Tunisie, pauvres en ressources naturelles, le besoin d’aide étrangère et la nécessité d’avoir des relations économiques et politiques avec l’Occident a donné forme à une politique étrangère plus favorable aux échanges.
Compte tenu de l’augmentation de la menace terroriste, l’Algérie coopère malgré tout sur le plan militaire avec les États-Unis, note le think tank américain. Cette coopération s’est manifestée à travers le partenariat transsaharien de lutte contre le terrorisme et les exercices militaires de Flintlock. Mais cette coopération reste réduite, et l’auteur ajoute que la méfiance de l’État algérien à l’égard de la présence occidentale sur son territoire est partagée par les citoyens algériens.
L’auteur affirme cependant qu’au cours des dernières années, une tendance au pragmatisme a été constatée parmi les dirigeants algériens qui, dans le but de diversifier l’économie du pays, ouvrent progressivement la porte aux échanges économiques et même culturels, avec, par exemple, l’inauguration cette année de l’école internationale américaine à Alger en août 2016.
Sur le plan politique, l’Algérie reste un pays opaque pour les observateurs américains. L’attention a été largement portée sur la Tunisie et le Maroc durant la période des « révolutions arabes », qui n’a guère touché l’Algérie. Pour l’auteur, toute mention aux États-Unis de politique algérienne a tendance à se borner à ce qu’elle appelle la « première révolte arabe », qui correspond à l’ouverture politique de l’Algérie en 1988, puis à la décennie d’ « indicibles violences » dans les années 1990. Il affirme que les changements politiques algériens des dernières années n’ont reçu, en comparaison, que peu d’attention.
En Tunisie, un renforcement des liens après la révolution ?
En Tunisie, l’alliance avec les États-Unis a connu des difficultés, avec par exemple l’accusation lancée par le président Bourguiba contre les Américains, selon lui impliqués dans les attentats israéliens contre l’OLP sur le territoire tunisien en 1985. L’auteur cite également les désaccords entre Ben Ali et Washington quant à la politique à mener en Libye et affirme que le régime autoritaire de Ben Ali a posé un problème aux États-Unis, bien que ces derniers n’en aient jamais fait état publiquement.
Depuis la révolution de 2010-2011, les relations commerciales entre la Tunisie et les États-Unis ont évolué vers l’inclusion d’une dimension politique, malgré une méfiance accrue de part et d’autre à l’arrivée au pouvoir d’Ennahda. Les Américains ont encouragé la mise en place d’une démocratie et de réformes économiques dans le pays, avec l’allocation de milliards de dollars à cette fin.
La coopération sécuritaire s’est également renforcée, en particulier avec l’augmentation du risque terroriste en Tunisie depuis 2012 et avec le nombre de départs tunisiens vers les territoires contrôlés par Daech, ce que les États-Unis perçoivent comme une menace à la sécurité américaine. En 2015, la Tunisie a elle aussi été désignée allié majeur hors Otan.