Il ne se passe pas un mois sans que le ministère marocain de l’intérieur n’annonce l’avortement d’un « plan dangereux » ourdi par l' »état islamique ». Depuis janvier 2016, 143 jihadistes ont été interpellés, trois d’entre eux ont été arrêtés le 7 septembre 2016 et trois autres, le 16 septembre.
Le Maroc est le seul pays maghrébin à ne pas avoir été frappé par l' »Etat islamique ». 900 détenus islamistes croupissent dans les prisons surpeuplées du royaume. La police marocaine est reconnue à l’étranger pour son efficacité. Rabat a joué un rôle clé dans la localisation, en France, du belge d’origine marocaine, Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attentats terroristes du 13 novembre à Paris.
Cependant, il y a un autre champ de bataille où le Maroc livre une guerre sans merci contre le jihadisme. Il se trouve dans le domaine de la formation religieuse.
En février 2016, le roi Mohammed VI a ordonné aux ministres de l’Education nationale et des Affaires islamiques de reformer l’éducation islamique, afin de l’adapter à « l’islam tolérant » qui promeut « le juste milieu et la modération » de l’islam dans le rite malékite.
De ce fait, 29 manuels d’éducation islamique viennent d’être reformés. L’un des points culminant de cette réforme est constitué par les illustrations figurant dans ces manuels montrant des femmes sans le voile alors qu’auparavant elles étaient toutes voilées.
Cette mesure est juste un aspect de la stratégie du Maroc dans sa lutte contre l’extrémisme religieux. Le Maroc a compris depuis longtemps que la propagande et l’éducation sont aussi importantes que les mesures répressives. Il en a tiré la leçon après les attentats de 2003 à Casablanca où 45 personnes ont péri. Le roi veille, en sa qualité de « commandeur des croyants », à la consécration de la bonne gouvernance du monde islamique. La station « Radio Coran », créée en 2004, diffuse l’Islam modéré » pour « déconstruire le discours extrémiste. Cette station est actuellement très populaire.
Le roi Mohammed vi a inauguré, au mois de mars 2015, à Rabat, l’institut de formation des imams, prédicateurs et prédicatrices, pouvant accueillir mille étudiants. Actuellement, cet institut abrite 777 étudiants boursiers, venant pour la plupart d’entre eux du Mali, de Tunisie, de Guinée, de Côte-d’Ivoire et de France (26). Trois mois plus tard, le Maroc a créé la fondation Mohammed VI des oulémas africains, qui a été mise en œuvre au mois de juin dernier à Fès. L’objectif officiel de cette fondation est de « coordonner les efforts » des théologiens musulmans pour promouvoir les valeurs de « modération et de tolérance ». Cependant, certains analystes croient savoir que son objectif principal est d’exporter l’influence diplomatique marocaine en Afrique, à travers la religion.
Mais il y a beaucoup d’endroits au Maroc où il convient de dépêcher des émissaires pour convaincre de vive voix la population qui ne peut être touchée par la radio ou la télévision. Les autorités religieuses ont donc formé plus d’un millier de «médiateurs» pour «immuniser» les jeunes contre le discours extrémiste. Des prédicateurs prônent l’islam modéré, dans les prisons, les instituts et les universités.
Convaincu que la lutte contre l’extrémisme passe par la jeunesse, et non pas seulement celle qui vit au Maroc, le souverain a prononcé lors de la fête du trône un discours qui a eu un écho favorable en France : « les terroristes instrumentalisent certains jeunes, en particulier en Europe, exploitent leur ignorance de la langue arabe et du véritable islam pour diffuser leurs messages erronés « . Il a ajouté : « les terroristes qui agissent au nom de l’islam ne sont pas des musulmans et n’ont pas leur place dans l’islam. (…) l’ignorance les encourage à croire qu’ils agissent au nom du jihad. Mais depuis quand le jihad incite-t-il a tuer des innocents ? « La raison admet-elle que le jihad soit récompensé par la jouissance d’un certain nombre de vierges ? ». Le message a été adressé en grande partie aux jeunes marocains vivant en Europe.
Dans sa livraison de juin, le magazine « jeune Afrique » a souligné que toute cette stratégie de formation et de prosélytisme, a poussé l’état marocain à augmenter de 100% le budget consacre aux affaires religieuses. Le Maroc compte poursuivre ce défi à long terme même si les résultats de cet investissement ne sont jamais aussi précis et clairs que les arrestations des jihadistes.
Mais cet effort a un grand contrepoids. Le Maroc a échoué lamentablement dans ce que de nombreux analystes estiment être le meilleur vaccin contre l’extrémisme, à savoir l’éducation nationale. L’ONU qui vient de publier un rapport accablant contre le Maroc ou un adulte sur trois est analphabète, indique que le royaume ne peut, à son avis, atteindre ses objectifs en matière d’éducation que d’ici un demi-siècle. Selon Nihan Koseleci, responsable du rapport de l’Unesco, seulement 5% des filles et 17% des mineurs pauvres achèvent leurs études du premier cycle de l’enseignement secondaire.
Les élites marocaines envoient leurs enfants dans des missions espagnoles, françaises et américaines, la classe moyenne se serre la ceinture pour payer plus de 150 euros par mois pour leurs enfants dans les écoles privées marocaines et la plupart des familles n’ont le choix que d’envoyer leurs progénitures dans les institutions d’enseignement public décriées. Dans ce contexte marqué par la misère éducative, il est probable que le ministère de l’intérieur continuera à démanteler encore longtemps les groupes terroristes.






