L’Espagne «vit actuellement avec le Maroc ce qui pourrait être la plus grande crise diplomatique de l’histoire récente» affirme le site 20-Minutes, qui ajoute que ses causes sont plus compliquées pour être vite résolue. Des tensions à la suite de l’affaire Brahim Ghali, en passant par le Sahara et la zone septentrionale du Maroc, les sujets de désaccord sont nombreux entre Rabat et Madrid.
«L’accueil du leader du Front Polisario, la position sur le Sahara ou les mauvaises relations qui existent actuellement entre les gouvernements maintiendront la mèche allumée même si à court terme la Moncloa (résidence d’État située à Madrid consacrée au gouvernement espagnol) veut calmer les esprits, ce qu’elle n’a pour l’instant pas réalisé» affirme le site 20-Minutes, qui note le gouvernement socialiste a créé un climat d’antagonisme crispé et impuissant. «Les situations fausses sont toujours livrées à l’imprévu, aux accidents qui ne tiennent compte ni des convenances ni des nécessités, et Madrid n’a cessé de se débattre dans plusieurs de ces situations fausses où tout est permis. De là cette crise qui vient d’éclater, qui n’est évidemment que la conséquence aussi naturelle qu’inopportune des confusions, des malentendus et à des inévitables froissements alimentés par Madrid» avait noté un politologue de la place à Barlamane.com.
La tension reste latente et ne se résume pas à un imbroglio de quelques jours. «La crise diplomatique a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase après plus de trois ans de va-et-vient dans les relations Espagne-Maroc. Les gouvernements des deux pays ne cadrent pas. Pedro Sánchez a décidé de briser la règle non écrite de visiter le pays voisin lors de son premier voyage en tant que président, ce que Rajoy et Zapatero n’ont pas fait, par exemple. Cela a été un signal d’alerte, qui a continué de donner ses indices après la reconnaissance par le président des États-Unis d’alors, Donald Trump, de la souveraineté marocaine sur le Sahara» accueillie avec tiédeur par Madrid.
Le Maroc a intégré le 22 janvier 2020 les eaux du Sahara à son espace maritime, en votant deux lois qui renforcent ses droits. «Ces lois visent à réactualiser l’arsenal juridique national», en phase avec «la souveraineté totale du royaume sur ses frontières effectives, terrestres et maritimes», a déclaré le ministre des affaires étrangères, Nasser Bourita, avant l’adoption du texte par le Parlement à Rabat. Les lois établissant la compétence juridique du Maroc sur l’espace maritime allant de Tanger (nord) à Lagouira, à la frontière mauritanienne, ont été votées à l’unanimité par les députés et saluées par des applaudissements. Le gouvernement espagnol de l’époque a abordé le sujet sur la pointe des pieds, mais la corde a continué à se tendre» rapporte la même source.
En gestation depuis des années, la délimitation des eaux a suscité des tensions entre le Maroc et l’Espagne, notamment après des explorations pétrolières dans la zone. La question a été abordée au cours de la première visite à Rabat de la ministre espagnole des affaires étrangères, Arancha Gonzalez. «Nous ne voulons pas imposer un fait accompli, mais nous sommes prêts au dialogue avec l’Espagne dans le cadre de nos droits essentiels et souverains», a précise lé chef de la diplomatie marocaine devant les députés.
Sebta et Melilia font également partie du «conflit», bien que le Maroc ne le revendique pas ouvertement, «mais il laisse des indices qu’il veut récupérer les deux villes septentrionales». En outre, au Maroc, il existe un malaise important concernant «le récent rapprochement de l’Espagne avec l’Algérie» est mal vu à Rabat, étant donné que «le gouvernement Pedro Sánchez essaie d’équilibrer ses alliances dans la région» et tente «non seulement de se concentrer sur ses liens avec le Maroc, mais aussi renforcer sa relation avec l’Algérie», expliquent des experts consultés le site espagnol.
Cette crise diplomatique a éclaté avec l’accueil du leader du Front Polisario, mais elle couve depuis longtemps. «Les relations entre les deux pays se sont érodées ces dernières années et maintenant l’Espagne paie les pots cassées tandis que le Maroc exerce une pression sur l’une des questions sur lesquelles il a le dessus : la gestion de l’immigration» rapporte la même source.
«C’est le gouvernement marocain qui remplit seul sa part dans la gestion de l’immigration, comme dans le lutte contre le terrorisme ou contre le trafic de drogue, qui sont aussi deux domaines clés de coopération avec Madrid» note le site espagnol. «La crise actuelle était en germe dans des divergences de situation, d’opinion et de caractère qu’une politique espagnole habile pouvait seule effacer ou atténuer, qu’un esprit d’obstination exclusive n’a fait qu’entretenir et irriter» a pointé une source diplomatique à Barlamane.com.