L’Afrique est une terre fertile pour la culture en général et le 7e art en particulier. La ville de Khourigba, au Maroc, lui rend hommage avec son Festival du cinéma africain (FCAK) dont la 19e édition se déroule jusqu’au 23 juillet 2016. Créée en 1977 par des passionnés, cette manifestation, qui a connu des hauts et des bas, a fini par devenir un rendez-vous incontournable pour l’ensemble du continent.
Quinze films sont en compétition cette année, représentant pas moins de 12 pays. Dans cette sélection, ce sont beaucoup les enjeux de l’histoire contemporaine et les problèmes d’aujourd’hui qui sont abordés.
A lui seul, le Maroc présente trois longs-métrages. « Résistance », de Driss Chouika, traite des manifestations anti-françaises qui ont eu lieu dans son pays en 1953. Avec «Starve Your Dog», son quatrième film, Hicham Lasri aborde les années de plomb marocaines à travers la personnalité la plus symbolique de l’époque, l’ancien ministre de l’Intérieur Driss Basri, mais aussi le monde d’aujourd’hui et la course au sensationnel des médias. Quant à Saïd Khallaf, il décrit la vie faite de violence d’un jeune sans-abri rejeté de tous qui sombre dans la délinquance dans « A Mile in My Shoes ».
La Tunisie a deux œuvres à l’affiche de cette compétition : « Dicta Shot », de Mokhtar Ladjimi, nous immerge dans un centre de handicapés, asile d’opposants politiques soumis à des pratiques oppressives. Avec «Révolution», Ramzi Ben Sliman s’intéresse, lui, au Printemps arabe en mettant en scène un adolescent en proie à des tourments amoureux qui devient malgré lui le porte-drapeau de la révolution de jasmin.
Rachid Bouchareb, le réalisateur d’«Indigènes», primé au Festival de Cannes en 2006, présente « La Route D’Istanbul » pour l’Algérie. Il déroule la tragédie d’une femme qui tente désespérément de retrouver sa fille de 19 ans partie faire le djihad en Syrie. Sur ce sujet d’une actualité brûlante, le cinéaste nous fait ressentir le désarroi de cette mère, interprétée par Astrid Whettnall, sa solitude et son impuissance face au drame qui la touche.
Inspiré de faits réels, «Mona», le thriller D’Anthony Abuah, qui représente le Nigéria, raconte l’histoire d’une femme chargée d’assassiner le Premier ministre portugais suite au massacre de centaine d’innocents au Mozambique, alors colonie lusitanienne, en 1973.
Plongée dans le monde rural, un thème qui est cher à Boubacar Gakou, avec « L’ombre de la folie ». Le cinéaste malien montre le conflit générationnel entre tenants de la tradition et défenseurs de techniques de production plus modernes. Dans « La Lune est Tombée » de Gahité Fofana (Guinée), on suit le sauvetage d’une usine d’eau au bord de la faillite par le courage de trois amis d’enfance. «Sans Regret» de Jacques Trabi (Côte d’Ivoire), fait plutôt dans le polar : suite à un revers de fortune, Gaston, honnête ouvrier désargenté bascule dans le monde des voyous… et s’y installe.
Touchant récit initiatique qui raconte l’attachement d’un jeune garçon à sa brebis, seul lien qui le rattache à ses parents et sa terre natale, «Lamb», de Yared Zeleke, a des consonances autobiographiques. C’est le premier long-métrage éthiopien à avoir été sélectionné à Cannes, en 2015, dans la catégorie Un Certain Regard.
Sans oublier «Avant la cohue de l’été», de l’Egyptien Mohamed Khan, qui montre par touches désirs avortés et états d’âme sous le ciel immaculé d’une plage blanche, endroit où se reposent des bourgeois cairotes le temps de quelques vacances ; «Owa Oba (la Récade de Zoundji)» pour le Bénin, de Samson Adjaho et Roger Nahum, racontant la découverte de ses origines d’un brillant étudiant en médecine ; Et le film burkinabé «Fille de sa mère», réalisé par la seule femme de la sélection, Carine Bado, avec Serge Armel Sawadogo, qui interroge sur la place des enfants sans la cellule familiale.
Mais l’événement du FCAK cette année semble être sans conteste « Things Of The Aimless Wanderer », du Rwandais Kivu Ruhorahoza. Un homme blanc rencontre une jeune femme noire. Celle-ci disparaît. L’homme cherche alors comprendre… Ce film choral se veut une parabole de la rencontre entre l’Afrique et l’Occident. Multisélectionné à l’étranger, il s’est notamment fait remarquer au festival de Sundance en 2015.,
Edgar Morin à la tête du jury
Le sociologue et philosophe français Egard Morin, cinéphile averti, a été choisi pour présider le jury de l’édition 2016 du Festival du cinéma africain de Khourigba.,Le jury aura pour tâcher de décerner les différents prix aux œuvres en compétition dont le principal, le Grand Prix Ousmane Sembene, remporté en 2015 par le Marocain Mohammed Mouftakir pour « L’orchestre des aveugles».
Outre la compétition officielle, le FCAK multiplie les hommages aux grandes figures du cinéma africain. La cérémonie d’ouverture Vidéo [https://www.youtube.com/watch?v=KpuPBbKe2WA] a été dédiée au réalisateur tunisien Tahar Cheriaa avec la projection du film « Tahar Cheriaa à l’ombre du baobab », réalisé par son compatriote Mohamed Challouf. Cheriaa, grand spécialiste du cinéma arabe et africain est décédé en 2010 à l’âge de 83 ans. Il a fondé, dès 1966, les Journées cinématographiques de Carthage, tout premier festival d’Afrique dédié au 7e art.
Le FCAK met aussi l’Ethiopie à l’honneur avec la projection de deux films hors compétition, la comédie « Horizon Beautiful », de Stafan Jäger, et le drame « Le Prix de l’Amour » d’Hermon Hailay.
Parallèlement aux projections, les festivaliers ont la possibilité de participer à des colloques et débats. Ils peuvent aussi s’essayer au métiers du cinéma (direction photo, montage numérique, réalisation, écriture de scénario…) à travers différents ateliers.
Enfin, pour clore le Festival, samedi 23 juillet au complexe culturel de Khouribga, est prévu un hommage au directeur de la photographie et réalisateur marocain Abdelekrim Mohamed Derkaoui.