La reprise des relations entre le Maroc et Israël a mis à nu le double jeu du PJD, qui s’efforce à se conformer aux idées de sa base électorale (PJD) au détriment des orientations diplomatiques marocaines. Pourtant, le PJD est le parti qui a dirigé le gouvernement et participé aux affaires de l’État au moment de ce rapprochement. Le point sur une schizonévrose politique.
Le secrétariat général du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste, opposition) a tenu sa réunion ordinaire le 29 novembre 2021 pour «délibérer sur un certain nombre de questions politiques et organisationnelles». Tout en évoquant «les défis extérieurs et les manœuvres contre le Maroc» ainsi que «la nécessité de renforcer le front intérieur pour défendre l’intégrité territoriale nationale», le parti islamiste a mentionné un prétendu «danger d’une incursion sioniste de notre pays».
Le PJD, aussi, a déclaré soutenir les actions publiques (souvent non-autorisées) de quelques coalitions associatives et de partis politiques de la gauche non gouvernementale (Fédération de la gauche démocratique, La Voie démocratique) et des organisations qui lui sont proches telles que le Mouvement de l’unicité et de la réforme) qui ont émis un refus catégorique de la reprise des relations diplomatiques entre Rabat et Tel-Aviv.
Cette position survient quelques jours après la signature à Rabat d’un accord de coopération sécuritaire «sans précédent» entre le royaume chérifien et l’État hébreu lors d’une visite au Maroc du ministre israélien de la défense, Benny Gantz. Cet accord − le premier du genre avec un pays arabe, selon la partie israélienne − doit notamment faciliter l’acquisition par le Maroc de technologies de l’industrie militaire d’Israël.
Le spectacle que donne le PJD n’est que le reflet d’un aveuglement inouï. Le 22 décembre 2020, c’est bien l’ex-chef du gouvernement Saad Dine El Otmani lui-même qui a signé la déclaration tripartite avec des représentants des États-Unis et d’Israël devant Mohammed VI et Nasser Bourita, le ministre des affaires étrangères. Quelques jours après, l’ancien ministre de l’emploi, Mohamed Amekraz, qui est aussi le secrétaire général de la jeunesse du PJD, a rompu l’unanimité gouvernementale en déclarant à une chaîne de télévision proche du Hezbollah, soupçonné de soutenir le Polisario, que les Marocains «rejetaient cette normalisation» que son parti a accepté pourtant.
Cette sortie est plus surprenante encore lorsqu’on sait que la question de la reprise des relations entre Rabat et Israël avait été relancée depuis la visite du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, en 2018, alors que le PJD était à la tête du gouvernement. En mai 2019, les contours d’un plan de paix israélo-palestinien a été abordé entre le gendre et conseiller de l’ancien président américain Donald Trump, Jared Kushner et le roi Mohammed VI, avec la présence d’un certain… El Otmani.
Le communiqué du PJD dévoile l’opportunisme politique du PJD qui remet en cause des choix politiques et diplomatiques souverains. Pourtant, Nasser Bourita avait déclaré que «lorsqu’un pays développe une relation avec Israël, cela veut-il automatiquement dire qu’il lâche la cause palestinienne ? Non, le Maroc ne lâche pas la cause palestinienne» tout en insistant sur le rôle historique que Rabat a assumé en faveur de la paix dans le conflit israélo-palestinien et d’une solution à deux États.
«Nous ne sommes pas dans le cas des pays qui découvrent Israël, qui commencent à avoir des relations, qui reconnaissent le passeport. Chez nous, le passeport israélien a toujours permis aux Marocains d’Israël de rentrer», avait affirmé le ministre marocain. En 2019, à titre de rappel, 70 000 d’entre eux ont visité le royaume, en empruntant des vols indirects. En 2021, des liaisons aériennes directes ont été inaugurées.
«Le Maroc a toujours ouvert ses portes et n’a jamais interdit une manifestation culturelle, politique, scientifique ou sportive qui impliquait une participation d’Israël. L’hymne national israélien a été joué à plusieurs reprises lors de manifestations sportives accueillies par le Maroc. C’est un contexte qui n’existe nulle part ailleurs. L’importation de concepts du Moyen-Orient n’est donc pas toujours appropriée dans le cas du Maroc», a rappelé Nasser Bourita.
Le ministre des affaires étrangères marocain (malgré l’abstinence et l’insistance de certains organes de presse internationaux) a toujours démenti l’idée que Rabat a entrepris un geste en contrepartie du soutien américain. «La reconnaissance du Sahara par les États-Unis ne s’est pas faite du jour au lendemain. C’était une construction au fil des années menée avec les administrations américaines successives. Aujourd’hui, nous avons simplement explicité les fondements de cette position», avait indiqué Nasser Bourita dans une très importante déclaration pourtant peu mentionnée par la presse internationale.
«Les Marocains sont prêts à tout pour défendre leur intégrité territoriale. Le Maroc a une cause nationale. Le Maroc a aussi un attachement à la paix au Moyen-Orient. Mais l’un n’est pas aux dépens de l’autre», avait pointé Nasser Bourita.