Alors que le dossier de la seule raffinerie marocaine, Samir, est resté en suspens depuis 2015, malgré les avancées vers un processus « d’arbitrage » en appel devant le Centre de résolution des différends relatifs aux investissements (CIRDI, relevant de la Banque mondiale), la situation s’aggrave ostensiblement. La Confédération démocratique du travail (CDT), par l’intermédiaire de son bureau unifié affilié au syndicat national des industries du pétrole et du gaz, a décidé de mener un sit-in durant la première semaine de novembre. Un mouvement qui s’inscrit dans une série de manifestations menées dès le jugement de liquidation judiciaire, en vue «de dénoncer l’inaction face à la dégradation progressive des installations de la raffinerie et à la précarisation de ses employés et retraités.»
Le syndicat souligne que, malgré les capacités de la raffinerie à couvrir 70 % des besoins pétroliers du Maroc, «la paralysie de ce site stratégique depuis près de neuf ans a entraîné une détérioration irrémédiable des infrastructures de production tout en fragilisant un secteur essentiel à la stabilité énergétique du Maroc.» La persistance de fermer la Samir «compromet non seulement la réhabilitation future de ses installations mais entraîne également une perte impérieuse en termes d’expertise technique, conséquence de la défection des cadres de la raffinerie.»
En 2016, la justice marocaine a ordonné la liquidation de la Samir, entraînant la plus importante procédure de ce type dans l’histoire du Maroc. Au moment de cette décision, la raffinerie était déjà à l’arrêt depuis 2015, accablée par une dette colossale de près de quatre milliards d’euros envers l’État, les fournisseurs et les banques. Le manque de clarté concernant la stratégie du gouvernement pour le secteur du raffinage empêche toute reprise de l’activité, malgré l’intérêt affiché de plusieurs investisseurs internationaux, craint la CDT.
Les représentants syndicaux, à travers le Front pour la sauvegarde de la Samir, dénoncent la passivité du gouvernement à redémarrer la raffinerie et soulignent que les retards dans ce sens «risquent de mener à son démantèlement pur et simple, privant ainsi le pays d’une infrastructure critique.» Un rapport parlementaire de 2019 a d’ailleurs mis en lumière «l’effet dévastateur» de la libéralisation des prix des produits pétroliers, qui a permis aux importateurs de réaliser des marges importantes au détriment des consommateurs, sans aucune politique de soutien aux capacités locales de raffinage.
Le tribunal de commerce de Casablanca a prolongé à de multiples reprises la continuité des activités de la raffinerie, mais aucune solution pérenne n’a encore été trouvée. Faute d’acquéreur, «le risque d’une vente à la ferraille devient de plus en plus probable», embrumant l’avenir de la Samir. Pendant ce temps, le contentieux entre l’État marocain et le milliardaire saoudo-éthiopien Mohammed Al Amoudi, propriétaire du groupe Corral, poursuit son cours devant le CIRDI. Pour la CDT, la Samir «incarne aujourd’hui les enjeux cruciaux liés à la gestion des actifs stratégiques et aux politiques publiques dans un contexte global de transition énergétique.»