Un rapport récent du Conseil de la concurrence révèle que les marges commerciales brutes enregistrées par les neuf principaux distributeurs de gasoil et d’essence au Maroc continuent de dépasser les niveaux observés au deuxième trimestre de 2024, bien qu’elles se maintiennent dans les limites constatées au cours du premier semestre de la même année. Ces résultats suggèrent une rentabilité significative pour ces opérateurs alors que les consommateurs supportent des prix élevés à la pompe.
Selon le rapport, les marges bénéficiaires moyennes brutes réalisées au cours du troisième trimestre de 2024 s’élèvent à 1,46 dirham par litre pour le gasoil et à deux dirhams par litre pour l’essence, des niveaux supérieurs à ceux du deuxième trimestre (1,21 dirham/litre pour le gasoil et 1,79 dirham/litre pour l’essence). Ces marges traduisent une dynamique de récupération des profits par les distributeurs, notamment après une légère baisse enregistrée en début d’année.
Les chiffres démontrent que les marges brutes sur le gasoil oscillent entre un minimum de 1,35 dirham/litre et un maximum de 1,59 dirham/litre, tandis que celles de l’essence, systématiquement plus élevées, varient entre 1,86 et 2,11 dirhams/litre. Cette disparité, selon le conseil, témoigne d’une approche critiquée des distributeurs pour grossir leurs revenus dans un contexte de marché favorable à leurs intérêts.
Une profitabilité au détriment du consommateurs
Les hausses des marges observées durant la fin de l’été 2024, notamment en août et septembre, révèlent une tendance inquiétante : une augmentation des profits dans une période où les prix internationaux du pétrole n’ont pas connu d’envolée justifiant une telle dynamique. Entre la mi-juillet et fin septembre, les marges ont progressé de 11 centimes par litre pour le gasoil et de 14 centimes par litre pour l’essence, atteignant des sommets respectifs de 1,51 et 2,11 dirhams par litre à la fin du mois d’août.
Le Conseil de la concurrence souligne que ces profits bruts sont calculés sur la base des prix de cession appliqués par les distributeurs et pondérés par leurs parts de marché respectives. Il met en garde contre des pratiques qui, bien qu’inscrites dans un cadre de légalité formelle, traduisent une absence d’équité dans la répartition de la charge entre opérateurs économiques et consommateurs finaux.
Une concentration du marché au service de la rentabilité
Rappelons que neuf entreprises seulement, sur les 31 opérant sur le marché national, contrôlent 84 % des volumes d’importation de carburants. Cette concentration confère à ces acteurs une influence décisive sur les prix de détail, sans véritable concurrence susceptible d’atténuer leurs marges élevées.
Le rapport pointe également la stratégie des distributeurs, qui ajustent habilement leurs marges brutes en fonction des fluctuations du marché, tout en maintenant un niveau de profit jugé excessif dans un contexte où les ménages marocains peinent à absorber la hausse continue des coûts de la vie.
Ces résultats révèlent une réalité accablante : les grands opérateurs du secteur bénéficient largement d’une position dominante pour augmenter leurs recettes au détriment du pouvoir d’achat des Marocains. Le Conseil de la concurrence, à travers ce rapport, appelle implicitement à une réflexion sérieuse sur la mise en place de mesures correctives telles qu’une révision des cadres réglementaires ou encore l’introduction de dispositifs permettant de plafonner les marges commerciales, deux propositions que le gouvernement de Aziz Akhannouch écarte pour le moment. Il s’agit, selon les termes mêmes de l’institution de Rahhou, d’assurer «un équilibre entre les impératifs de rentabilité des opérateurs et la protection des intérêts des consommateurs.»