Les mécanismes d’aide du FMI consacrés au Maroc en pleine crise sanitaire, conditionnés par une politique stricte en matière de revenus qui réduit les salaires et traitements, l’augmentation des impôts directs et indirects, l’accroissement de la flexibilité du marché du travail et la diminution des dépenses publiques, notamment au niveau des retraites, des prestations sociales et de la santé, a suscité les critiques de plusieurs hauts fonctionnaires marocains, dont Ahmed Lahlimi et Abdellatif Jouahri.
Aggravation de la récession, destruction du tissu social, dévaluation interne, abolition progressive des droits sociaux et démantèlement de l’État-providence : les recommandations du Fonds monétaire international pour relancer la croissance au le Maroc font l’objet de vives remontrances de la part de hauts responsables étatiques, en raison de ses appels à une réduction des emplois, aux privatisations rapides au détriment des investissements et de la consommation publique et privée.
Le Fonds monétaire international a été critiqué récemment par le Haut-commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi, considérant que ses prescriptions ne sont plus valables, surtout après les conséquences induites par la crise sanitaire, soulignant que le déficit et l’inflation peuvent être augmentés par une décision souveraine, et que l’emprunt peut être consacré à des investissements dans les secteurs productifs.
La crise sanitaire a provoqué une diminution inédite de la demande et de l’offre qui ont pesé sur la croissance marocaine. Il en a résulté une forte dégradation du marché du travail, et le gouvernement a également pris de nombreuses mesures de soutien à la trésorerie des entreprises affectées par l’épidémie et apporté une garantie à leurs prêts. La politique budgétaire du Maroc était destinée à amortir les retombées économiques et sociales de la crise. Elle a été appuyée par l’action de la banque centrale.
Un expert en finances publiques considère que le Fonds monétaire international appelle à réduire les dépenses publiques afin de réduire le déficit budgétaire, réclame de contrôler la masse salariale et à réduire le nombre d’emplois, voire aller à la privatisation. Le déficit budgétaire a atteint 7,6% du PIB l’année dernière, et la Banque centrale s’attend à atteindre 7,2% l’année en cours, puis 6,7% en 2022. La dette du Trésor devrait passer de 77,4% à 79% en 2021.
Le gouverneur de la Banque centrale marocaine, Abdellatif Jouahri, estime qu’une nouvelle ligne de précaution et de liquidité (LPL) du FMI ne peut être demandée si le Maroc n’entreprend pas les réformes structurelles nécessaires tout en fixant les priorités à ce niveau dans le cadre d’un train de réformes à activer. «Les dépenses sociales sont aussi parmi les premières concernées par les réformes du FMI. Non seulement des coupes sont proposes, mais des réformes plus structurelles recommandées pour être mises en œuvre : flexibilisation accrue du marché du travail, augmentation de l’âge de départ à la retraite, amélioration de la concurrence dans le domaine des services, y compris sanitaires et sociaux» a-t-on déclaré
M. Jouahri a poursuivi en disant qu’il n’est pas possible de s’adresser au Fonds monétaire international pour obtenir une LPL, «une sorte d’assurance au cas où les conditions macro-économiques se dégraderaient» qu’après l’élaboration d’un paquet de réformes pour lequel il entend s’engager, tout en fixant des priorités à ce sujet.
Cependant, les analystes estiment que le Maroc est censé éviter le piège de l’emprunt excessif et de travailler à mener la réforme fiscale, dont les principes ont été convenus il y a environ deux ans, notant que le gouverneur de la Banque centrale a appelé à lutter contre la contrebande fiscale lors de sa discours à la Chambre des représentants il y a des mois.
Mardi, le gouverneur de la Banque centrale a souligné que les priorités doivent être fixées au niveau des réformes structurelles qui doivent être engagées. Jouahri a présenté les chantiers essentiels à déclencher, tels les fonds de pension, la flexibilité du marché du travail, la question des ressources humaines, la réforme des institutions publiques et des entreprises, et le soutien direct accordé aux ménages vulnérables.