Brahim Ghali a été hospitalisé d’urgence en Espagne, près de Saragosse, sous un nom d’emprunt algérien, Mohamed Ben Batouche. Une opération pétrie de combinaisons qui démontre que le gouvernement de Madrid fait de sa politique extérieure un champ de course où le plus agile a la chance d’arriver le premier.
Le gouvernement espagnol s’évertue à sortir le moins abîmé possible du fourré épineux d’explications entourant l’admission de Brahim Ghali dans le pays. Les ramifications de cette opération, son caractère clandestin, ses différents détails ont soulevé la conscience politique marocaine. La presse nationale parle de «l’exécution d’un acte illégal prémédité, et qui ne se révélait à Rabat qu’au moment où il n’était plus possible d’en détourner les coups» au moment où le gouvernement algérien a prié le corps diplomatique espagnol de régler lui-même les conditions de l’évacuation de Brahim Ghali et d’en fixer la date.
En Espagne, les détails de l’opération sont progressivement exhumés : «L’usage de la fausse identité en est venu à être interprété non seulement comme une tentative de tromper Rabat mais aussi comme un stratagème pour contourner la justice espagnole elle-même. Il va de soi que l’arrivée de Ghali en Espagne, dans un aéroport où, en théorie, il pourrait passer inaperçu, et son admission à l’hôpital de la capitale de La Rioja, a été négociée au plus haut niveau entre l’Espagne et l’Algérie, un pays qui maintient sur son territoire le Front Polisario, notamment dans les camps de Tindouf» dévoile le quotidien généraliste La Razón qui note : «Il s’agissait de cacher un traitement favorable accordé à un des pires ennemis de Rabat».
Brahim Ghali a été transféré dans une ambulance à la clinique de San Pedro de Logroño, à Saragosse en Espagne, où il est admis à l’unité de soins intensifs. L’information a été dévoilée par Jeune Afrique selon lequel le Ghali, âgé de 73 ans et qui souffrirait d’un cancer, a été hospitalisé d’urgence le 21 avril en Espagne sous un nom d’emprunt algérien. Tandis que la chef de la diplomatie espagnole a simplement répondu que «Ghali a été transféré en Espagne pour des raisons strictement humanitaires afin de recevoir des soins médicaux», sans autre précision, Jeune Afrique affirme que tout a commencé quand «une équipe de médecins algériens a accompagné le chef de file des séparatistes à Saragosse à bord d’un avion médicalisé affrété par la présidence algérienne».
Un caractère propre à la polémique actuelle, c’est que les procédés muets, les défis d’attitude ont pris le pas sur les actes ordinaires de la procédure diplomatique. «Jamais on n’a vu avec une semblable simultanéité apparaître dans des proportions aussi vastes la dépendance étroite qui lie l’Espagne à la frange séparatiste. Cet enseignement sort de la situation présente avec la plus poignante et la plus inexorable clarté» déclare une source autorisée avant d’ajouter : «Le gouvernement de Pedro Sánchez a pris une résolution peu digne d’un grand corps politique qui connaît toute l’étendue de ses devoirs.»
L’ambassadeur d’Espagne à Rabat, Ricardo Díez-Hochleitner, a été convoqué ce samedi par un directeur général du ministère marocain des Affaires étrangères, «pour l’informer de cette position et exiger les explications nécessaires sur l’attitude de son gouvernement», comme l’a rapporté le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger à travers une déclaration rendue publique.
Selon la version de la diplomatie espagnole, cet incident «n’empêche ni ne perturbe les excellentes relations que l’Espagne entretient avec le Maroc», désignant le Maroc comme un «partenaire privilégié» de l’Espagne «au niveau économique, politique, migratoire, commercial et dans la lutte contre le changement climatique».
De son côté, la diplomatie marocaine a rappelé que le chef des milices séparatistes du Polisario est poursuivi pour «génocide et crimes de guerre» par la justice espagnole. José de la Mata, un magistrat de l’Audience nationale, la plus haute instance pénale d’Espagne, l’a inculpé en 2016. «Brahim Ghali est accusé de crimes commis contre des dissidents et des militants sahraouis, pour la plupart nés dans la colonie espagnole, qui avaient des opinions politiques différentes de celles de la classe dirigeante du Polisario», avait déclaré l’Association du Sahara pour la défense des droits de l’homme (ASADEDH). «Brahim Ghali est soupçonné d’avoir mené une campagne d’élimination des élites sahraouies d’origine espagnole afin d’avoir un contrôle total des camps de Tindouf» mentionne Le Figaro.
Alors que l’indépendantiste Carles Puigdemont, l’ex-président du gouvernement régional de Catalogne qui bataille, depuis la Belgique, contre son éventuelle extradition vers l’Espagne, a alerté le Maroc que Madrid «ne tient jamais ses promesses», une source autorisée que «deux travers sont à craindre : celui qui consisterait à avoir trop de confiance dans la sincérité du gouvernement espagnol, et celui qui consiste à n’en avoir systématiquement aucune. Il nous arrive parfois de tomber dans la seconde. Madrid commence à se rendre compte des responsabilités qu’elle a encourues, et, loin de les assumer, elle s’efforce évidemment de les diminuer».






