Pour la chef de file de la nouvelle gauche marocaine, la campagne des législatives doit être l’occasion pour mettre en place un nouveau pacte social et politique.
Durant une heure et demie de débats avec le quotidien espagnol El Español, la secrétaire générale du PSU a surtout dégréné son principal mot d’ordre : une monarchie parlementaire tout de suite ! Elle, qui se rend dans les quartiers les plus marginaux pour expliquer le programme social et progressiste de son parti, qui prône l’éducation publique et la santé, mais aussi «la séparation des pouvoirs et une monarchie parlementaire».
Lors des élections de 2016, il a opté pour une confédération de gauche, la Fédération de la gauche démocratique (FGD). «L’engagement pour la politique est un engagement pour le pays et le peuple. Quant aux femmes de gauche, pour moi, on parle peu ou assez des termes de justice sociale, d’égalité, de fraternité, de partage et de citoyenneté. Pour cette raison, j’ai toujours été engagé au niveau syndical; et je suis arrivé très jeune en politique» a-t-elle mentionné.
Tout de suite, amers constats : «parmi les élus locaux du Maroc, sur 27 000 il y en a 4 500 qui ont un niveau très basique ou sont illettrés. Comment changer un pays avec des élus illettrés ? Je crois sincèrement que les gens instruits avec une certaine éthique sont ceux qui doivent se consacrer à la politique. On peut trouver une issue au chômage, à la discrimination, à la répartition équitable des richesses, à la sortie des régions de la pauvreté et de la marginalisation. Tout est basé sur des idées qui doivent évoluer à partir d’un projet cohérent» assène-t-elle.
Pour elle, «la démocratie est l’expression de la volonté populaire qu’il faut respecter pour créer des institutions fortes, ainsi que la responsabilité de la reddition des comptes», avant de dire que «la lutte contre la corruption est un chantier fondamental car elle fait perdre beaucoup de ressources à un pays comme le Maroc» déplorant «une sérieuse fuite de fonds à l’étranger.»
Mounib plaide pour «une société citoyenne de la connaissance ; une société où la justice sociale peut être réalisée. Le Maroc compte 12 régions et toutes ont la possibilité de se développer en fonction du potentiel humain. Il y a beaucoup de personnes formées qui sont au chômage. Aujourd’hui, dans la ville, il y a 45% de jeunes sans emploi, nous avons également deux millions et demi d’économie informelle et environ deux millions de personnes handicapées. Vous devez prendre soin de tous ces gens.»
«De plus, avec la pandémie de Covid-19, nous avons vu que 23 millions de Marocains ont eu besoin d’aide. 23 millions sur 35 millions d’habitants, c’est énorme» déclare-t-elle.
«Pour nous, il est essentiel de mettre en place les bases d’un état social, et pour cette raison, nous devons d’abord agir sur l’éducation. Nous nous engageons pour une éducation publique, gratuite, de qualité et unifiée. Chaque année au Maroc, entre 20 000 et 25 000 enseignants partent à la retraite, nous exigeons donc qu’ils soient remplacés par des enseignants formés» indique-t-elle.
«Nous demandons le respect de l’article 19 de la Constitution, qui est l’égalité totale entre les hommes et les femmes. Nous exigeons donc qu’un système d’égalité soit mis en place dans toutes les listes, ce ne sont pas 50% d’hommes et 50% de femmes, mais ce pourcentage à tous les niveaux de pouvoir, également après les décisions» a-t-elle mentionné.
«Les femmes marocaines souffrent beaucoup. Je vous donne un seul chiffre, il y a 47 % d’analphabétisme chez les femmes, alors que chez les hommes c’est 27 %. Les femmes sont victimes de beaucoup de violences. Pour cette raison, nous exigeons que tous les types de violence et de harcèlement soient punis par la loi, mais nous devons également sensibiliser par des campagnes pour l’égalité et le respect des femmes, car nous sommes dans une société patriarcale» déplore-t-elle.
Pour Mounib, «le Maroc est le pays des paradoxes par excellence car nous avons acquis une certaine stabilité, mais nous vivons toujours dans une démocratie dépassée. Quant aux élections, tout est déjà fait d’avance, les scénarios sont déjà préparés. Voir une femme à la tête d’un gouvernement marocain nécessite la démocratisation de l’Etat, et aujourd’hui nous n’en sommes pas encore là.»
«Ce qu’on peut faire aujourd’hui, c’est essayer de développer une opposition très forte. En ce moment, les gens nous écoutent déjà, ils connaissent notre discours. Je suis fière d’entendre certaines femmes parler, il parait que c’est moi qui parle, sans être membres du parti, ce sont des citoyennes normales qui rejoignent notre projet et qui pensent qu’aujourd’hui, surtout après la pandémie de Covid, nous avons besoin d’un projet de gauche» reconnait-elle.
«Chaque fois qu’il y a des élections, ils disent que je suis la préférée, et puis je ne suis pas élue. J’ai participé à toutes les élections depuis 1997, et je ne sais pas pourquoi ils le disent, peut-être le pensent-ils, mais vu le projet auquel je contribue, je ne sais pas s’ils sont préparés à la vraie démocratisation de l’État et la société, pour démarrer une monarchie parlementaire» pointe-t-elle.
«La séparation des pouvoirs est la seule condition pour que nous participions, pas avec les partis politiques qui achètent au peuple ou distribuent de l’argent à la population. Si vous sortez et regardez la campagne, tous les autres partis, à de rares exceptions près, n’expliquent pas le programme. Nous allons dans les quartiers et parlons aux gens, une campagne très propre, mais ensuite cela ne se reflète pas dans les résultats. Hier – dimanche 5 septembre – j’étais dans le quartier le plus sensible de Casablanca, d’où viennent les terroristes, et j’ai pu comprendre pourquoi on peut devenir terroriste, quand on a moins de rien» a-t-elle dit.
«En tout cas, je suis content car nous avons gagné la sympathie des gens, ils nous estiment, et il y a des jeunes qui ont fait campagne avec nous dans différents quartiers. Quelque chose que le reste des parties ne peut pas dire» a-t-elle souligné.
Politique internationale
«On doit d’abord regretter ce qui s’est passé entre l’Espagne et le Maroc. Notre espoir est bien plus grand, la normalisation des relations, car le Maroc est la continuité africaine de l’Espagne, et l’Espagne pour nous est le pays pour accéder à l’Europe. Il est important de jeter un regard sur notre histoire commune, après ce qui s’est passé» dit Mounib
«Le Maroc est un croisement entre deux continents (…) nous connaissons les luttes stratégiques dans le monde, et la position géographique du Maroc le prédispose à être soumis à toutes sortes d’ambitions étrangères. Après l’indépendance, les relations entre le Maroc et l’Espagne n’ont pu s’établir sur une véritable base de coopération, encore que l’Espagne en soit le partenaire privilégié» mentionne-t-elle.