Lors de son allocution pendant les discussions autour du sous-budget du Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, Neila Tazi, présidente de la Fédération des industries culturelles et créatives (FICC), filière de la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM) a mis en lumière plusieurs lacunes du budget dédié au dit Ministère, tout en demandant au ministre de fournir des explications à ce sujet.
En début d’allocution, Mme Tazi a commencé par demander au Ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, Hassan Abyaba de livrer une « vision stratégique pour développer ces secteurs d’intérêt qui touchent nos jeunes et leur avenir, le sport et la culture étant considérés comme des composantes essentielles au développement des jeunes », ajoutant qu’il était « inutile de rappeler que la culture est un secteur multidimensionnel où se croisent de nombreux domaines », comme « la contribution au développement des capacités des jeunes, mais aussi au développement régional et à la création d’emplois, en plus d’être un outil important de la diplomatie internationale ».
Mme Tazi n’a pas manqué de rappeler au ministre qu’il est de son devoir de « rassurer les professionnels de la culture sur l’avenir de ce secteur vital au développement national. Cela ne peut pas être réalisé sans une réelle volonté politique de faire de la culture un moteur de croissance au Maroc, en soutenant les industries culturelles et d’en faire un secteur bien articulé et réglementé, producteur de richesse ». Elle donne ainsi l’exemple de la France, où « le secteur de la culture pèse 7 fois celui l’industrie automobile
et 2 fois le secteur des télécommunications dans l’économie française, créant environ 2,1 millions d’emplois, majoritairement dirigés vers les jeunes ».
Mme Tazi pointe, dans le bilan de 2019 du département de la culture, l’absence de prise en considération des recommandations du premier débat national sur les industries culturelles, une initiative organisée par le ministère de la Culture et de la Communication en partenariat avec le FICC, où plus de 600 professionnels et experts ont été présents afin d’implémenter une nouvelle dynamique pour ce secteur. Le débat s’est terminé par 20 recommandations qui doivent impérativement être prises en compte.
La présidente de FICC n’a pas manqué de faire remarquer à M. Abyaba qu’une « politique publique n’est pas seulement basée sur des approches
liées au budget , mais doit avoir une vision et une stratégie pour être effective. Dans cette perspective, Mme Tazi a présenté quelques recommandations autour du budget selon certaines observations relevées dans le PLF 2020. En premier lieu, la suppression du budget dédié à l’animation culturelle, celles-ci étaient de 94 millions de dhs en 2019. Cette somme a été inclue dans le Fonds d’activation culturelle (FNAC). Cependant, Mme Tazi note une anomalie, les prévisions budgétaires de ce fonds pour 2020 sont les mêmes qu’en 2019, soit 20 millions de dhs, ce qui est illogique vu que les revenus de ce fonds ont nettement augmenté. Mme Tazi s’est donc dépêchée de demander à Abyaba la raison de l’absence de prévisions pertinentes pour 2020.
En ce qui concerne l’allocation de fonds par régions, Mme Tazi a fait remarquer à M. Abyaba que « la région de Kénitra, en particulier bénéficie de plus de soutien financier que d’autres, sachant qu’il existe certaines régions qui ne bénéficient pas de fonds ». Elle demande ainsi au ministre de « fournir des explications sur cette disparité entre les régions » et de faire état des « mesures ont été prises pour donner effet aux recommandations sur la régionalisation avancée en matière de suivi de la gestion des directions régionales ». Mme Tazi s’est ensuite attaquée au manque de soutien du ministère au patrimoine historique et archéologique, en pointant « un déficit de 13 millions de dhs entre budget de gestion et le budget d’investissement, alors qu’aujourd’hui nous sommes obligés d’intensifier les efforts pour évaluer notre richesse matérielle et immatérielle » qui attire encore plus d’intérêt de la part des visiteurs.
En conclusion, Mme Tazi a posé plusieurs questions au ministre de tutelle, en premier lieu à propos des livres et de la lecture. Elle pointe le fait que seulement 5 région sur 12 au total bénéficient d’un programme de lecture. Elle poursuit avec le fait que le Maroc n’a que 609 bibliothèques pour 1503 communes, dont 329 seulement sont sous la tutelle du Ministère de la Culture. Une situation jugée préoccupante au regard des normes internationales. Cela signifie que le Maroc n’a que 0,02 livres par citoyen. S’y ajoute le fait que 84,5% des Marocains ne sont inscrits à aucune bibliothèque et 64,5% des Marocains n’ont acheté aucun livre au cours des 12 derniers mois. Le Maroc est classé 162ème par l’UNESCO au niveau international en lecture et en écriture et 63% des écoles publiques n’ont pas de bibliothèques. Elle ajoute « dans les documents que vous avez mis à notre disposition, il n’existe aucun article concernant les deux grands théâtres de Casablanca et Rabat, alors qu’elle relèvent communément du Ministère et des collectivités territoriales », en plus du fait qu’ « en ce qui concerne des institutions telles que le théâtre Mohammed V, la Bibliothèque nationale, les Archives du Maroc et l’Institut d’art dramatique et le centre cinématographique marocain, le PLF ne fait pas référence à un montant précis par institution ». Mme Tazi a également questionné le sort des 200 millions de dhs du budget de la copie privée, qui n’a pas encore été distribué aux ayants-droit soit aux artistes.
Parmi les autres lacunes du budget 2020 dudit Ministère, un budget de budget sectoriel 840 millions de dhs mobilisé par le Ministère dans le calendrier d’investissement 2020 pour le programme « Enfance, Jeunesse et Femmes ». Toutefois, Mme Tazi relève que la répartition entre les régions n’est mentionnée nulle part. Elle affirme également que les maisons de jeunesse ne remplissent pas leur rôle escompté, puisqu’elle manquent terriblement de ressources humaines qualifiées et aptes à encadrer les jeunes.