Alors que les documents judiciaires révèlent petit à petit les noms de quelque deux cents personnes liées de près ou de loin au délinquant sexuel Jeffrey Epstein, des théories invérifiées suggèrent que ce dernier aurait voulu fuir la justice américaine en s’installant au Maroc. Faux, voire tendancieux.
La liste évoquant la large camarilla présumée du financier américain Jeffrey Epstein, accusé d’exploitation sexuelle et qui s’est suicidé en prison en 2019 avant d’être jugé, fait rage depuis quelques jours. Or, depuis, l’hypothèse d’un refuge marocain pour le criminel controversé circule, s’appuyant sur ses liens supposés avec d’anciens présidents américains, comme le démocrate Bill Clinton (1993-2001) et le républicain Donald Trump (2017-2021), accoutumés à se rendre au Maroc dans les années 1990-2000.
Dans un livre publié en 2021, le journaliste américain Michael Wolff prétend, au détour d’une phrase succincte, que Jeffrey Epstein «comptait s’offrir une large résidence luxueuse au Maroc», attendu que le royaume n’a jamais ratifié un accord d’extradition avec les États-Unis, une information alibi censée appuyer son propos. Véritablement, quitter les États-Unis «n’avait fait qu’effleurer l’esprit de M. Epstein, aux heures où ils étaient absorbés par d’autres sujets qui lui semblaient plus graves, comme ses relations détériorées avec ses anciens amis et ses ennuis judiciaires», selon des médias américains.
Dans les faits, il n’en est rien et la thèse de M. Wolff ne jouit d’aucun soutènement sérieux. M. Wolff, à la vérité, a pris pour appui une autre histoire, celle de l’avocat de Scott Rothstein, 47 ans, ami de Jeffrey Epstein, au centre d’une retentissante affaire d’escroquerie et qui, grâce à un système d’investissement pyramidal, a pu obtenir des rendements qui dépassent le milliard de dollars. Pour se faire oublier, M. Rothstein s’est temporairement expatrié au Maroc en 2009 avant de retourner aux États-Unis et se mettre à la disposition de la justice américaine.
Jeffrey Epstein, aux puissants relations économiques et politiques aux États-Unis et à l’étranger, s’est, en réalité, peu déplacé au Maroc. Le voyage souvent cité est celui effectué en juillet 2002, avec le président Clinton, lequel a assisté, avec sa famille, au mariage du roi Mohammed VI «Jeffrey Epstein mettait peu les pieds au Maroc. Ses excursions, de circonstance, n’y duraient, généralement, que quelques heures. Il connaît le monde, l’a parcouru dans tous les sens. il n’est pas un seul pays où il n’ait séjourné, et il en est plusieurs qu’il a visités plus d’une fois. Parler d’un supposé volet marocain de cette affaire est absurde», nous confie une source ayant suivi le dossier.