Nouzha Ababou, avocate marocaine du barreau de Rabat vient de remporter le 1er prix de la 4ème édition du Concours national de plaidoirie pour l’abolition de la peine de mort, le 12 octobre au bâtonnat de Casablanca, auquel ont participé plusieurs avocats marocains abolitionnistes à travers le Royaume.
Organisé annuellement par le Réseau des Avocats contre la peine de mort au Maroc (RACPM), ce concours vise à mettre en valeur le rôle crucial des avocats et avocates qui défendent une cause majeure en matière de protection et de promotion des droits humains, et à faire valoir le statut et les positions de ces avocats et avocates de la défense en faveur de l’abolition de la peine de mort. Nouzha Ababou a remporté le premier prix, avec, en ex-aequo, une deuxième avocate du nom de Meryem Moulay Rachid.
Remporter ce concours, d’ampleur nationale, donne ainsi accès à la 7ème édition du Concours international de plaidoiries pour les droits de l’Homme qui aura lieu en décembre prochain à Nouakchott, en Mauritanie.
Nouzha Ababou est une jeune avocate, abolitionniste affirmée et fortement engagée pour les libertés fondamentales. Elle est diplômée de Paris et forte de plusieurs expériences dans le domaine des droits de l’Homme, notamment par son passage remarqué au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) au Yemen, pendant 2 ans. Très engagée et grandement impliquée dans la problématique de l’abolition de la peine de mort, elle décide ensuite de rentrer au Maroc pour exercer et continuer à défendre avec brio les causes qui lui tiennent à coeur.
Dans son plaidoyer qui lui octroyé le premier prix du concours, Nouzha Ababou évoque l’histoire de Reyhana Jabari, jeune femme iranienne, condamnée à mort et pendue en octobre 2014 à l’âge de 19 ans, pour avoir tué son violeur. Clamant sa propre innocence jusqu’au bout, Reyhana Jabari adressait une lettre à fendre le cœur à sa mère, la veille de sa pendaison, où elle écrivait qu’elle allait condamner dans « la Cour de Dieu », tous ceux qui l’ont fait passer pour une criminelle de sang froid.
Me Ababou poursuit son plaidoyer avec l’énumération de plusieurs arguments, dont la sacralité de la vie humaine, la perpétration de la violence et son institutionnalisation, le droit de la vie qui est inhérent à chaque personne. Elle dénonce la justice de la vengeance et la justice de la mort.
Vent debout contre l’injustice sociale, et le déterminisme qui pèse sur la tête des catégories les plus vulnérables de notre société, la violence de la pauvreté, de la discrimination, de la marginalisation et de l’humiliation, Nouzha Ababou avance que « Reyhana a été violée parce qu’elle était, femme, Reyhana a été condamnée à mort parce qu’elle était pauvre », poursuivant en ces termes : « nous savons tous ici réunis que son cas n’est pas isolé, que 41 % des personnes condamnées à mort aux USA sont de couleur noire alors qu’ils ne représentent que 14 % de la population américaine, nous savons tous également que près des 100 personnes qui croupissent dans nos mouroirs au Maroc condamnées à la sentence capitale, sont issus pour l’écrasante majorité d’entre eux, de milieux défavorisés, car ils sont mal nés ».
« Vous et moi savons que, la peine capitale est irréversible« , affirme-t-elle, en parlant de toutes les personnes qui ont perdu la vie dans les mouroirs pour être innocentées seulement après. Dans ce sens, le plaidoyer de Me Ababou qui lui a valu le premier prix, s’articule autour d’une logique de réhabilitation de la justice : « j’invoque la justice de la réparation, la justice de la réinsertion, la justice de la pacification« . Elle conclut en utilisant les mots de Victor Hugo : « Cette tête de l’homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, éclairez-la, moralisez-la, utilisez-la, vous n’aurez pas besoin de la couper».