La composition du parlement reflète-t-elle la population ? Cette question mérite une étude. En attendant des données sur la base d’un échantillonnage représentatif, deux mois après l’investiture du nouveau gouvernement, il est certainement encore tôt pour évaluer tous les indices de contentement/mécontentement depuis la déclaration gouvernementale. Néanmoins, le pouls de la population peut-être jaugé à l’aune de la rue et des réseaux sociaux.
La population savait et sait que la pandémie du COVID-19 n’est pas seulement une crise sanitaire, puisqu’elle est à l’origine d’une crise économique. La population se souvient de la crise économique mondiale de 2008. Elle a pleine conscience que celle-ci est sans précédent, car elle a pour moteur un virus qui, par essence, mute.
La population a également été prévenue de mesures gouvernementales impopulaires mais nécessaires. Certaines sont, cependant, plus impopulaires que d’autres et demandent un effort que les citoyens exsangues ne comprennent pas. En partie à cause d’un déficit de communication du Chef de gouvernement et/ou du porte-parole du gouvernement, les explications de certains départements ministériels ne convainquant plus de leur pertinence, le citoyen.
Tout d’abord parce qu’il a compris, à force de le lui marteler, qu’il faudra apprendre à vivre avec le virus. Il a majoritairement adhéré à toutes les campagnes de prévention et de vaccination. Pourquoi dans ce cas, les fermetures répétitives de frontières qui induisent des blocages des Marocains à l’étranger, des autorisations de sortir du pays mais pas d’y rentrer, de se replier dès l’apparition d’un variant jugé par l’OMS moins dangereux que les précédents … autant d’incompréhensions qui alimentent la grogne : celle de la hausse des prix des produits essentiels, des prix du carburant malgré des baisses à l’international, les taxes appliquées à certains appareils, celle autour du débat provax/antivax, pro/anti-pass sanitaire, et les grandes questions liées à l’égalité et aux libertés individuelles qui relèvent également de la justice sociale.
Pratiquement aucune décision du nouveau gouvernement ne semble y échapper, notamment certaines mesures prises par les départements ministériels concernés pour décliner les grands chantiers royaux de l’éducation et de la protection sociale. Ainsi, la condition l’âge arrêté à 30 ans pour le recrutement des enseignants a soulevé un tollé. Les médecins, de leur côté, ont vivement dénoncé les taux appliqués dans le cadre de la couverture sociale.
Bien sûr, la récupération et la manipulation sont au rendez-vous. Elle est d’autant plus aisée que les réseaux sociaux viennent enfler et/ou diriger les polémiques pour investir la rue. C’est là que l’opposition, en principe intervient pour accompagner les mouvements sociaux. Or, elle est quasi inexistante aujourd’hui. Sa composition est non seulement hétéroclite et éclatée mais elle est tournée vers d’autres préoccupations.
Le PJD, islamo-conservateur, a failli à ses promesses de moralisation de la vie publique en multipliant les scandales de corruption et de mœurs. Il ne convainc plus. Le MP a déclaré faire une opposition citoyenne mais la question se pose de savoir s’il est entièrement tourné vers les réformes politiques. L’avenir proche le dira.
Il reste la gauche. Son poids a diminué au fil des alliances et des compromis dans les gouvernements successifs depuis l’alternance. Reviendra-t-elle aux valeurs fondamentales attendues d’elle, lors de ses prochains grands rendez-vous avec ses bases ?
Le PPS et l’USFP préparent leurs congrès. Ces partis, choisiront-ils une nouvelle ligne politique ? L’USFP peut-elle faire de l’opposition ? particulièrement si l’équipe actuelle reste aux commandes ?
Les autres formations sont quasi inaudibles. Le PSU a une voix et a décidé de faire cavalier seul. Les autres partis de gauche (CNI, PADS ainsi que les courants de Sassi et de Moujahid qui ont quitté le PSU) tentent de se réorganiser pour une fusion prévue vers le début de l’été 2022 à travers une feuille de route commune.
Ces partis de gauche pourront-ils porter, en se rassemblant, les revendications égalitaires de la population après leur réorganisation ?
Aujourd’hui la vraie opposition est dans la rue et sur les réseaux sociaux. En l’absence de partis capables de l’encadrer, d’autres formes organisées prendront place et le feront.