Après l’annonce dans la journée de leur libération par le gouvernement malien, les deux otages ont atterri dans la nuit à Bamako. Ils étaient détenus dans le nord du Mali par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, la principale alliance djihadiste au Sahel liée à Al-Qaida.
Soumaïla Cissé, haute personnalité malienne, ainsi qu’une otage française, Sophie Pétronin, présumés aux mains des djihadistes jusqu’alors, sont libres.
Des images tournées à l’aéroport de Bamako dans la nuit du jeudi 8 au vendredi 9 octobre montrent le fils de Mme Pétronin, Sébastien Chadaud, arrivé mardi au Mali, tomber dans les bras de sa mère à la descente de l’avion, ainsi que Soumaïla Cissé faire de même avec des proches. Un peu plus tard, des images diffusées sur les réseaux sociaux les montrent en tête en tête et elle lui dit que pendant près de quatre ans, «tu étais là à mes côtés en me disant : tiens bon».
Cette libération avait été annoncée plus tôt dans la journée de jeudi par la présidence malienne sur Twitter. Le gouvernement malien a ensuite fait part dans un communiqué de la libération des Italiens Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccalli, un prêtre enlevé au Niger en 2018.
Mme Pétronin et M. Cissé ont embarqué dans un avion à Tessalit, ville du vaste nord proche de la frontière algérienne, avant de retrouver les leurs à Bamako.
Soumaïla Cissé, quant à lui, ancien candidat à la présidentielle devenue figure politique emblématique, a fait un retour triomphal parmi ses partisans debout les bras levés à travers le toit ouvrant d’une voiture. Tous les otages, reçus à la présidence malienne, ont paru en relativement bonne santé.
Les deux otages étaient détenus dans le nord du Mali par le Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), la principale alliance djihadiste au Sahel liée à Al-Qaida.
Très peu de détails étaient disponibles dans un premier temps sur les circonstances de cette libération annoncée, qui se dessinait depuis le week-end et met fin à une épreuve de près de quatre années pour Mme Pétronin, 75 ans, et de plus de six mois pour M. Cissé, 70 ans. La libération des deux otages italiens n’avait pas été évoquée jusqu’alors. Aucune information n’a non plus été fournie sur l’état de santé des otages libérés.
Enlevée en 2016
Sophie Pétronin avait été enlevée le 24 décembre 2016 par des hommes armés à Gao (nord du Mali), où elle vivait et dirigeait depuis des années une organisation d’aide à l’enfance. Après avoir remercié les autorités maliennes et françaises, ses pensées sont allées jeudi à cette organisation.
«Ma plus grande joie aujourd’hui, c’est de savoir que mon assistant a pu continuer le travail sans moi. Pour le Mali, je vais prier, implorer les bénédictions et la miséricorde d’Allah, parce que je suis musulmane. Vous dites Sophie, mais c’est Mariam que vous avez devant vous», a-t-elle dit.
Une opération de libération aux contours peu clairs
Soumaïla Cissé, pour sa part, deuxième à trois reprises de l’élection présidentielle, avait été enlevé le 25 mars alors qu’il faisait campagne pour les élections législatives dans la région de Tombouctou.
Tous les otages, reçus à la présidence malienne, ont paru en relativement bonne santé. Cette libération parachève une opération dont les dessous demeurent obscurs. Elle a été précédée, depuis dimanche, par la libération de dizaines de djihadistes détenus dans les prisons maliennes ainsi que des déclarations de responsables maliens suscitant l’espoir d’un échange pour que Sophie Pétronin et Soumaïla Cissé retrouvent leurs familles. Mais les autorités maliennes ont, jusqu’à jeudi soir, observé un silence total, les autorités françaises invoquant de leur côté l’exigence d’une totale discrétion.
Depuis sa capture, Mme Pétronin était apparue dans des vidéos diffusées en 2017 et 2018 par le GSIM. La dernière où on la voit autrement qu’en photo, publiée mi-juin 2018, la montrait très fatiguée, le visage émacié, en appelant au président français Emmanuel Macron.
Les images de l’otage n’ont cessé d’alarmer la famille. Les proches se sont mobilisés sans désemparer pour sa libération, pressant le gouvernement français d’accepter de négocier avec les ravisseurs. M. Macron a assuré plusieurs fois que les services français travaillaient à sa libération «sans relâche», mais dans la discrétion.
Soumaïla Cissé, ancien ministre et chef de l’opposition parlementaire, est quant à lui la personnalité nationale la plus éminente kidnappée au Mali depuis que les rébellions indépendantistes et djihadistes de 2012 ont plongé le pays dans une crise sécuritaire profonde.
La spirale des violences a causé, avec les tensions intercommunautaires, des milliers de morts civils et militaires, malgré le déploiement de forces françaises et internationales, et s’est propagée au Burkina Faso et au Niger voisins. Le sort de M. Cissé a constitué un des cris de ralliement de la contestation de plusieurs mois contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta. Ce dernier a fini par être renversé par un putsch le 18 août.
Avec ces libérations, les nouvelles autorités de la transition installée pour 18 mois par les militaires peuvent se prévaloir d’une réussite spectaculaire, même si les détails de l’opération et la part prise par les différents acteurs restent à établir.