L’avocat Patrick Saerens affirme que le partenariat stratégique européen avec le Maroc, pivot de sa politique de voisinage avec les États du bassin méditerranéen, doit désormais prendre en considération le dossier du Sahara occidental, Pour lui, l’UE doit sortir de sa «position attentiste qui ne sert ni ses intérêts, ni ceux des habitants de la zone.»
Dans un contribution argumentée, l’avocat Patrick Saerens évoque la légitimité de la revendication sur ses provinces du Sud, pointant du doigt un «contentieux territorial (…) qui nuit à l’essor du Maghreb». Selon l’avocat, «la situation évolue pourtant, en particulier à la suite du retour du Maroc au sein de l’Union africaine (UA) et d’une diplomatie qui se veut apaisante sur le sujet. À cet égard, le fait que le gouvernement Biden a confirmé le choix de son prédécesseur de reconnaître le droit du Maroc sur ce territoire est un événement capital qui modifie les données géostratégiques de la région. En quelques années, ce ne sont pas moins de 21 consulats qui se sont ouverts au Sahara occidental, majoritairement de pays africains, mais aussi désormais des USA, d’Haïti ou des Émirats arabes unis. Dans ce contexte, l’Union européenne garde une position attentiste qui ne sert ni ses intérêts, ni ceux des habitants de la zone.»
M. Saerens, dans son plaidoyer, a remis en cause «un mélange des genres» matérialisé par la décision du Tribunal de l’Union européenne, qui a suspendu en 2021 deux accords commerciaux entre le Maroc et l’Union européenne (UE), l’un portant sur les produits agricoles et l’autre sur la pêche, à la suite d’un recours des séparatistes du Front Polisario. «Certes, la décision des juges de Luxembourg a immédiatement fait l’objet d’un appel devant la Cour de justice de l’UE mais une analyse approfondie de ce jugement démontre que la frontière est ténue entre les arguments juridiques et politiques, ce qui n’est pourtant pas le rôle du pouvoir judiciaire. Or, la décision querellée a des impacts à la fois diplomatiques puisque le Maroc est, de loin, le partenaire le plus fiable de la région, et économiques car si la décision devait être confirmée, les entreprises européennes pourraient être condamnées à payer des montants importants aux plaignants. Il est donc urgent que l’UE prenne le dossier à bras-le-corps pour éviter que quelques magistrats soient obligés de régler ce contentieux politique par une focale qui n’est pas de leur ressort.»
S’agissant des pourparlers autour du dossier, M. Saerens affirme que le Maroc «a pu évoluer vers une position plus conciliante qui tranche avec celle, inflexible, du Front Polisario et de son allié algérien. Dès 2007, le Maroc a présenté à l’ONU une initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara, qui a été saluée par de nombreux intervenants de tous bords politiques. Ce projet passe par un parlement régional et un conseil transitoire représentant toutes les parties et les tribus ainsi que de larges prérogatives en matière d’administration et d’utilisations des ressources économiques et financières au profit des habitants.»
L’UE, souligne-t-il, «a d’ailleurs reconnu en 2019 que ce plan allait dans le bon sens car chacun s’accorde à reconnaître qu’il est vain de vouloir organiser, plus de 50 ans après le départ des Espagnols, un référendum sur l’autodétermination d’un peuple dont la démographie et les aspirations ont largement évolué depuis lors.»
«La présidence française de l’UE s’emparera peut-être du dossier mais on peut espérer que la Belgique, terre de consensus où bat le cœur de l’Europe, puisse y apporter sa pierre à l’édifice», a-t-il conclu.