Le tribunal de Paris a examiné mardi 26 janvier la recevabilité des poursuites engagées par l’État marocain contre le consortium Forbidden Stories et des médias français ayant accusé à tort le Maroc dans l’affaire d’espionnage Pegasus. La décision finale a été renvoyée au 25 mars. Le hic est que le parquet français joue sur certaines dispositions d’une loi du 19eme siècle pour invalider la saisine du Maroc.
Retour sur la journée d’hier au tribunal de Paris : le parquet a encore une fois requis l’irrecevabilité des citations directes, déposées par le Maroc contre le consortium Forbidden Stories (FS), Amnesty international et les médias suivants : Le Monde, Radio France, France Media Monde, Mediapart, L’Humanité. La procureure a demandé d’appliquer la loi du 29 juillet 1881, toujours en cours en France, qu’elle a qualifiée de «constante» selon laquelle : «Un Etat, qu’il soit français ou étranger» ne peut poursuivre en diffamation.
Ce qu’elle omet de préciser, c’est que les dispositions de l’article 30 de la même loi du 29 juillet 1881 protègent spécialement les institutions de la république française « contre la diffamation publique » et qu’ « une sanction aggravée s’applique à la publication de propos qui remettent en cause l’autorité de la République en fragilisant ses institutions », comme le rappelle le professeur agrégé des facultés de droit, professeur à l’École de droit de la Sorbonne, Emmanuel Dreyer. Partant de là, cela devrait être applicable aux institutions d’un État étranger, pour assurer l’égalité de traitement devant la loi, argument sur lequel la procureure semble s’appuyer par sa citation. L’absence d’obligation légale de vérification de l’information qui devrait aller de pair avec à la liberté d’expression en France est elle aussi un fait des plus questionnable, relevé par Emmanuel Dreyer également.
Durant la journée d’hier, les avocats à charge ont soutenu que leur demande n’est pas en contradiction avec la loi désuète et inéquitable de 1881. Elle est recevable car ce sont les services de renseignement (soit une administration), et non pas l’Etat marocain,per se, qui attaque en diffamation.
Malgré le poids étatique français dans cette affaire, sachant que le parquet français qui se range du côté des prévenus, relève du ministère de la justice, et qu’en cela son indépendance pour statuer n’est pas totale, le Maroc reste campé sur son droit légitime de demander réparation.
Les résistances pour lui barrer la voie persistent elles aussi.
L’AFP, reflet de la position des autorités, a attaqué fort le Maroc. Ses affidés France 24 et RFI et les media du consortium FS remettent au gout du jour le groupe NSO et Pegasus, ce matin. L’un se concentre sur l’utilisation supposé du logiciel espion par la police israélienne contre des militants, l’autre sur son possible rachat par une firme américaine, un autre sur une activiste qui aurait été ciblée au Liban. Comme pour plonger l’affaire « Service de renseignements marocains contre FS et medias diffamants » dans cette spirale médiatique anti-Pegasus et faire du Maroc, victime de cette campagne de dénigrement sans preuves, un coupable parmi d’autres.
Tout ce narratif pour y inclure de force le Maroc ne peut effacer le manque de preuves des accusations par le consortium FS.
Le Maroc, a dès le départ opté pour la transparence. Il a recouru à une contre-expertise qui a démontré, scientifiquement et publiquement le caractère mensonger des allégations d’Amnesty International et du Consortium FS.
Parallèlement, il a demandé la citation des médias français et ceux d’Espagne et d’Allemagne pour diffamation devant leurs juridictions respectives. Une procédure engagée, dans le respect de la liberté d’expression, pour défendre ses droits et sa réputation ainsi que celles de ses administrations sécuritaires qui agissent dans le cadre de l’Etat de droit.
Pour la défense côté marocain, d’une part, les États, personnes morales de droit public ont bel et bien une réputation à défendre. Et d’autre part, porter atteinte à la réputation d’un État a des impacts qui est à évaluer sous l’angle des préjudices moraux et matériels causés.
L’équation, côté marocain, est claire. Si l’Etat français souverain s’appuie sur une législation dans la lignée de la logique individualiste du 19ème siècle et qui ne permet pas aux États et aux personnes morales de droit public d’accéder équitablement à la justice pour se défendre des atteintes diffamatoires à leur réputation, le Maroc, tout aussi souverain, ne peut accepter d’être injustement diffamé et muselé. Au vu de l’ampleur prise par la campagne orchestrée également dans d’autres pays, le royaume pourrait saisir la justice européenne.