Le ministère de la communication a disparu de la nouvelle architecture du gouvernement-2 de Saadeddine El Othmani, depuis le 9 octobre 2019, date qui restera gravée dans la mémoire des journalistes marocains de ce début du XXIeme siècle.
Le ministère de la communication a été , au fil du temps, un secrétariat d’Etat à l’information, dirigé par d’illustres personnalités, puis ministère de l’information, ministère de l’intérieur et de l’information, ministère de la communication (1998) et enfin, avant de s’éteindre, ministère de la culture et de la communication. Depuis l’indépendance, il avait été tantôt allié à la culture, tantôt au tourisme ou à l’intérieur, aux affaires étrangères, à la jeunesse et sports et à l’artisanat.
Sa mort a été actionnée par Mustapha El Khalfi, avant-dernier ministre de la communication, qui en avait accélérée la cadence, dès que l’ensemble du dispositif législatif et réglementaire régissant la profession, aura été mis en place, y compris la création d’un Conseil national de la presse (CNP), qui en avait repris une partie des prérogatives, notamment la délivrance de la carte professionnelle de presse et l’arbitrage des conflits entre les journalistes et les éditeurs et entre les premiers et les tiers.
Le Maroc ne fait en fait que suivre la pratique en vigueur dans des pays démocratiques, notamment en Europe, où le secteur de la presse se prend en charge lui-même, parallèlement à la mise en place d’instances de régulation, comme la haute autorité de l’audiovisuel, qui relève de l’Etat, ou le conseil national de la presse (indépendant), qui est investi de la lourde tâche d’arbitrage des conflits entre les journalistes et les éditeurs et entre les journalistes et les tiers, sur le strict plan professionnel (charte de déontologie de la profession du journalisme, statut du journaliste professionnel).
Après donc plus de 70 ans, les journalistes marocains, notamment les précurseurs, qui ont accompagné cette évolution, depuis le début, -nous en citerons plus particulièrement aujourd’hui, notre confrère Ssi Abdallah Stouky- un ministère s’en va, dont l’importance et le rôle étaient proportionnels à son titulaire.
En fait, de grandes figures de l’histoire nationale se sont relayées à la tête de ce département, disons-le, stratégique. Nous en citerons plus particulièrement Abdallah Ibrahim, Abdellatif Filali, Larbi Messari, Mohamed Larbi Khattabi, Ahmed Taibi Benhima, Moulay Ahmed Alaoui, Ahmed Snoussi, Moulay Driss Alaoui Mdaghri, Mohamed Al Achaari, Ahmed Reda Guedira, Abdelhedi Boutaleb, Abderrahmane El Kohen, Mohamed Mahjoubi , Ahmed Majid Benjelloun, Abdelkader Sahraoui, Abdelouahed Belkziz, Driss Basri et tout récemment, Mohamed Nabil Ben Abdallah, Khalid Naciri, Mustapha Khalfi et Mohamed Laaraj.
Les journalistes marocains, qui ont commencé leur carrière au cours de la décennie 80, se rappellent bien que le ministère avait alors élu domicile sis Boulevard Mohammed V à Rabat, dans un bâtiment colonial qui menace aujourd’hui ruine, à proximité de la Banque du Maroc, dont les alentours servent actuellement d’espace récréatif au centre de Rabat.
C’est à partir d’un bureau au premier étage, dont les fenêtres donnent sur la grande poste, que plusieurs de ces anciens ministres, dont Mohamed larbi El Khattabi, Abdellatif Filali et Abdelouahed Belkziz, notamment, pilotaient la politique de l’information au Maroc. Et c’est là aussi que Mohammed Seddiq Maaninou fit ses débuts en tant que secrétaire général du ministère de l’information, avant de transférer ses bureaux au quartier administratif.
C’est Mohamed Larbi Messari qui organisa le déménagement du ministère à El Irfane.
Il est vrai que le ministère de l’information, bien qu’il ait été aux mains de prestigieux et puissants hommes, ne suscitait pas la curiosité des passants dans la prestigieuse et célèbre artère de la capitale, comme se plaisait à dire l’ancien député Brahim Boutaleb (USFP), depuis la tribune du parlement marocain de 1976-1981. « Le citoyen marocain longe le bâtiment qui abrite l’un des redoutables ministères du pays, sans même se donner la peine de se retourner vers cet édifice », soulignait-il, en affirmant qu’à New York, les passants s’arrêtent obligatoirement devant le siège du « New York Times », pour quelques instants, pour contempler cet édifice dont les scoops résonnent dans les quatre coins de la planète.
Aujourd’hui, plusieurs anciens journalistes déplorent, malgré tout, que l’ancien bâtiment, historique, soit tombé en ruine, et qu’il n’ait pas été réhabilité, même fermé à un éventuel retour de ses anciens locataires.
Certes, nous devrions songer aux fonctionnaires qui ont servi dans ce ministère, depuis des décennies.
L’Allemagne avait fondé « un office fédéral de la presse», coiffé par un secrétaire d’Etat ou un ministre, qui ne figure pas dans la composition officielle du gouvernement du pays et qui prend en charge le volet communication gouvernementale auprès du chancelier.
Certes, au Maroc, le ministère gérait les subventions annuelles à la presse et au cinéma ainsi que la délivrance des cartes de presse aux journalistes nationaux, transférée au Conseil national de la presse, et les accréditations de la presse étrangère, lesquelles seraient du ressort du ministère des affaires étrangères ou de la primature.
Pour autant, les journalistes marocains, après la disparition du ministère, ne devraient pas se sentir orphelins. C’est une tutelle administrative qui disparait pour céder la place à de nouvelles structures de la société civile, pour que le secteur puisse s’autogérer lui-même.
*Journaliste et écrivain