Le président de l’Autorité palestinienne a réitéré, mardi à l’ONU, son rejet du plan de paix du président américain Donald Trump destiné à mettre fin au conflit israélo-palestinien. Déterminé à défier les États-Unis et Israël, Mahmoud Abbas, âgé et malade, apparaît cependant affaibli face au front uni constitué par les deux puissances.
La déclaration s’est faite sur un ton solennel. Brandissant une grande carte de la Palestine, telle que voulue par les États-Unis, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a réaffirmé, mardi 11 février devant le Conseil de sécurité de l’ONU, rejeter le plan de paix israélo-américain présenté par Donald Trump. Un plan comparé à un « gruyère suisse », qui remet en question « les droits légitimes des Palestiniens », selon Mahmoud Abbas.
Face à lui, les États-Unis et Israël, organisés en front uni, se montrent intraitables. Alors que Donald Trump est à la Maison Blanche, et que Benjamin Netanyahu est candidat à sa réélection pour la troisième fois en un an, les Palestiniens, dont la situation est plus que jamais précaire, n’entrevoient aucune issue qui leur serait favorable.
La veille de son allocution à la tribune des Nations unies, Mahmoud Abbas avait renoncé à sa demande de vote, au Conseil de sécurité, d’une résolution rejetant d’une part le plan de paix américain, et le condamnant, d’autre part, comme une violation du droit international.
Une telle résolution, pour être adoptée, n’aurait probablement pas obtenu les neuf voix (sur quinze) nécessaires, et les États-Unis auraient opposé leur veto dans tous les cas. Autre blocage de la part de la puissance américaine, autre coup porté aux Palestiniens et à Mahmoud Abbas : le Départment d’État a publié, lundi, la présentation de son budget 2021. Et pour la première fois depuis 1993, celui-ci ne prévoit aucune aide financière pour la Cisjordanie et la bande de Gaza.
La nouvelle n’a cependant rien d’étonnant. En 2018 déjà, l’administration Trump avait supprimé 200 millions de dollars d’aide économique et humanitaire aux Palestiniens, bien qu’elle ait maintenu le financement de la sécurité. Ce financement, qui s’élevait cette année à 75 millions de dollars, pourrait toutefois être amené, lui aussi, à s’arrêter. En effet, dans la nouvelle demande de budget, cette aide semble désormais conditionnée à l’approbation, par le Congrès, du Fonds de progrès diplomatique de 200 millions de dollars censé couvrir le plan de paix israélo-américain.
« Jusqu’ici, les États-Unis de Donald Trump ont adopté une position si antagoniste à l’encontre des Palestiniens qu’elle ne laissait aucune place à de bonne attentes de la part de cette administration », explique Elias Zananiri, vice-président du comité de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) pour l’interaction avec la société israélienne, contacté par France 24.
La solution « réaliste à deux États », telle qu’elle fut présentée fin janvier par Donald Trump en présence de son « grand ami », le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a déclenché la colère de Mahmoud Abbas. Cité par le quotidien Jérusalem Post, le président de l’Autorité palestinienne a déclaré : « Ils m’ont appelé de Washington, et je n’ai pas décroché ».
« J’ai dit non et je continuerai de dire non », a-t-il poursuivi. Évoquant les conséquences, notamment financières, de ce refus, Mahmoud Abbas a appelé à la résistance. Mais le président palestinien a-t-il vraiment le pouvoir de résister face aux puissances américaine et israélienne ? Il peut, en tout cas, compter sur le soutien des Palestiniens et du monde arabe, et de « la plupart des pays qui n’approuvent pas la vision de Trump », assure Elias Zananiri. Toute la question est de savoir ce qu’il adviendra dans un avenir proche, lorsque Mahmoud Abbas cèdera sa place. Le leader est âgé de 84 ans, et sa santé demeure fragile. Or, aucun plan n’a été mis en place pour assurer son remplacement ou déclencher des élections.
Les Palestiniens n’ont pas connu d’élections depuis celles qui, en 2005, ont permis l’arrivée au pouvoir de Mahmoud Abbas, avec près de 64 % des votes, après la mort de Yasser Arafat. Les dernières élections législatives, en 2006, ont conduit à une scission entre le Fatah, mouvement de libération de la Palestine, fondé par Yasser Arafat, et son principal rival, le mouvement islamiste Hamas. Depuis, les deux groupes sont en conflit, le Fatah régissant l’Autorité palestinienne depuis Ramallah, en Cisjordanie, et le Hamas étant principalement actif à Gaza. Le plan de paix américain, perçu par les Palestiniens comme favorisant largement Israël, aura au moins eu le mérite de les rassembler dans le rejet.
Le jour de la présentation de ce plan, les dirigeants palestiniens ont rencontré Mahmoud Abbas à Ramallah. À cette occasion, le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a appelé à soutenir le rejet formulé par le président de l’Autorité palestinienne et exprimé l’espoir de voir les différents groupes laisser leurs divergences de côté. Ce plan, bien qu’il permette un État démilitarisé, ouvre la voie, selon eux, à l’annexion de vastes zones de Cisjordanie par Israël.
« Le président Abbas a répondu qu’il était prêt à envoyer une délégation s’entretenir avec le Hamas afin de faire cesser les dissensions existantes depuis que la force militaire du Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en juin 2007 », explique Elias Zananiri. Il ajoute que deux responsables du Fatah étaient à Gaza pour discuter avec diverses factions en vue de fixer la date du dialogue national sur laquelle Mahmoud Abbas et Ismaïl Haniyeh se sont entendus.
Si le vice-président du comité de l’OLP pour l’interaction avec la société israélienne évoque l’espoir que le plan Trump amène le Hamas à accepter l’organisation d’élections, plusieurs responsables au sein du Fatah pourraient, en revanche, se disputer la succession de Mahmoud Abbas. Parmi eux, Mahmoud Aloul, vice-président du Fatah, Tawfik Tirawi, ancien chef des renseignements de Cisjordanie, Majed Faraj, patron du renseignement palestinien et Jibril Rajoub, actuel président de la Fédération palestinienne de football.
« Mais ils se battent entre eux, et Abbas ne fait rien pour arrêter cela », commente Danny Rubinstein, ex-journaliste du quotidien israélien Haaretz, qui explique dans le même temps que, « plus Abbas devient fragile, plus il se méfie de son entourage et de ses potentiels rivaux ». Selon Ghassan Khattib, un politicien du Parti du peuple palestinien, « Abou Mazen [surnom de Mahmoud Abbas] sera le dernier président palestinien ». En effet, explique Dany Rubinstein, « après cela, il y aura du chaos, des combats entre factions pour le pouvoir, mais il n’y aura pas de président ».