Aujourd’hui, en quelques clics, un arbre est planté : pour les internautes, il n’a jamais été aussi facile de compenser ses émissions de CO2. Mais si les industries les plus polluantes s’y mettent également, l’efficacité de ces actions fait débat.
Même les mastodontes des hydrocarbures rivalisent désormais de projets de reboisement : 300 millions de dollars investis dans des plantations par Shell afin de réduire son empreinte carbone de 2 à 3%; objectif « zéro émissions nettes » dans l’exploration et la production grâce à « d’immenses forêts » pour ENI.
Quant à Total, c’est une « business unit » dotée de 100 millions de dollars par an qui doit voir le jour en 2020, pour « investir, développer et gérer des activités de conversion de milieux naturels dégradés en puits de carbone, d’exploitation agricoles et forestières soutenables et régénératrices, et des activités de conservation ».
Qu’il s’agisse d’un géant pétrolier ou du touriste qui veut amortir l’impact climatique de ses vacances exotiques, la compensation volontaire obéit généralement à un mécanisme simple. Le « pollueur » achète un crédit équivalent à un certain poids de CO2. La somme versée finance directement ou indirectement un projet de réduction d’émission, comme de la reforestation ou de l’investissement dans les énergies renouvelables.
Si la forêt reste un outil important de régulation climatique, le reboisement ne permet pas pour autant de se dédouaner de toute responsabilité face à des actions émettrices de carbone. »Si vous ne réduisez pas vos émissions et si on n’arrête pas la déforestation, ce n’est pas parce que vous plantez des arbres que vous allez résoudre quoique ce soit », annonce d’emblée Stéphane Hallaire, président et fondateur de Reforest’Action qui a planté 3,8 millions d’arbres en neuf ans.
Mais selon M. Hallaire, la reforestation doit nécessairement être accompagnée de comportements plus vertueux par ailleurs. S’il est important d’absorber les émissions de CO2, il faut, en amont, faire baisser la quantité de CO2 utilisée par les économies et financer la transition énergétique.
« C’est une échappatoire qui risque de dissuader la société collectivement de faire des efforts importants, de dissuader d’investir dans des technologies plus coûteuses », renchérit Alain Karsenty, chercheur au Centre international pour la recherche agronomique et le développement (CIRAD).
Le reboisement à grande échelle pose d’autres problèmes: les projets peuvent entrer en concurrence avec des cultures alimentaires ou des forêts naturelles, et les arbres plantés ne sont pas toujours bénéfiques à leur environnement. »Ce sont souvent des essences à croissance rapide comme les eucalyptus, les pins, car on a besoin d’arbres qui stockent très vite du carbone mais cela peut finir par poser des problèmes de biodiversité, d’assèchement des sols », pointe Alain Karsenty.