Une députée algérienne a révélé que le Front de libération nationale avait retiré un projet de loi visant à «criminaliser le colonialisme français», appelant les autorités à mettre fin à cette «haute trahison».
C’est la troisième fois que le parti du FLN, qui dispose de la majorité parlementaire, décide de retirer le projet de loi visant à criminaliser le colonialisme français, après son gel en 2010 et en 2016, en réponse à une loi votée par le Parlement français le 23 février 2005 «glorifiant la colonisation française de l’Algérie», qui a duré 132 ans.
La députée algérienne Amira Selim a publié une déclaration sur sa page Facebook, dans laquelle elle critiquait le secrétaire général du Front de libération, Baadji Abou El Fadhel, et le tenait responsable de la décision de retirer le projet de loi du Parlement.
Il n’y a eu aucune réponse ni explication de la part du premier responsable de l’ancien parti au pouvoir en Algérie, ni de la deuxième chambre du Parlement (l’Assemblée populaire nationale).
Selim a déclaré qu’un autre député, Kamal Belarbi, issu du parti du FLN a été menacé par le secrétaire général du parti, après avoir exigé que le projet de loi soit à nouveau présenté devant les parlementaires.
Selim a également critiqué Baadji Abou El Fadhel pour avoir l’ambassadeur de France en Algérie, François Goyette, au siège du parti, et pour lui avoir fait l’honneur de lui offrir le « bouclier du parti » lundi 14 décembre.
Ceci vient en complément d’informations rapportées par les médias locaux proches des autorités sur ce qu’ils ont qualifié de «mouvements suspects de l’ambassadeur de France», dans le cadre de «réunions secrètes tenues par l’ancien ambassadeur en Libye (2008-2011) sous le règne de Nicolas Sarkozy avec des opposants et des journalistes algériens, pour évoquer une étape de transition en Algérie» selon ce qui a été mentionné par des médias locaux.
C’est la première déclaration remarquée de la députée Amira Selim depuis son élection au Parlement algérien en 2017 et sa décision de se retirer du parti Rassemblement national démocratique (RND) en mars 2019, dirigé par l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia pour protester contre le soutien du parti à la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat.
Amira Selim a appelé les autorités algériennes à intervenir «immédiatement et de toute urgence» pour donner un coup de pouce au projet de loi «criminalisant le colonialisme français» et «ouvrir une enquête» avec le secrétaire général de l’ancien parti au pouvoir, qualifiant la position du parti de «trahison du sang des martyrs et de leurs sacrifices», selon ses mots.
Fin 2009, 154 députés au Parlement algérien ont signé un projet de loi pour «criminaliser le colonialisme», une première du genre, et visant à «condamner les crimes commis par la France contre les Algériens pendant 132 ans, et exigeant qu’elle s’excuse et fournisse une compensation matérielle et morale aux victimes», ainsi que de «mettre en place un tribunal pénal pour ces violations et relier l’avenir des relations entre les deux pays à la mesure de la reconnaissance par Paris de ses crimes.»
À l’époque, le gouvernement d’Ahmed Ouyahia et le parti «Front de libération», à la demande du président déchu Abdelaziz Bouteflika, ont refusé de renvoyer le projet au Parlement pour discussion et approbation, selon les déclarations du président du Parlement de l’époque, Abdelaziz Ziari, à des médias locaux.
Les responsables algériens ont justifié le gel du projet de loi, évoquant «des raisons diplomatiques», et que le moment n’est pas approprié pour adopter la proposition de criminaliser le colonialisme. La question «est liée à la politique étrangère» qui est «le noyau des pouvoirs du Président de la République», ont-ils affirmé.